Flashback en 1940. Le Royaume-Uni n’a pas vu venir Hitler. Sa population est allergique aux dépenses militaires depuis plusieurs années. Son armée n’est pas prête. Quand les bombes commencent à pleuvoir sur Londres, le cabinet, n’ayant même pas prévu de bunker, doit se réfugier dans le sous-sol d’un édifice gouvernemental d’où il gérera le reste de la Seconde Guerre mondiale.

À l’époque, le Canada a joué un rôle crucial pour aider le Royaume-Uni à résister à l’assaut allemand, longtemps avant que les États-Unis entrent en guerre. Mais aujourd’hui, force est de constater que le Canada est très mal équipé pour appuyer l’Ukraine, qui est sauvagement bombardée par Vladimir Poutine.

Même si l’on compare sa bravoure à celle du leader britannique Winston Churchill, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, ne peut pas tellement compter sur notre aide.

Notre armée manque de tout. De troupes, d’équipement, de financement, de volonté politique…

Le Canada a oublié depuis trop longtemps ce vieil adage : si tu veux la paix, prépare la guerre. Depuis la chute du mur de Berlin, les conservateurs comme les libéraux ont sabré les dépenses militaires, plus soucieux d’équilibrer leurs budgets que de faire face à un danger qui semblait disparu pour toujours.

À travers le monde, les dépenses militaires ont pratiquement chuté de moitié depuis 35 ans (de 4,2 % à 2,4 % du PIB). Mais le Canada fait figure de cancre, à 1,4 %, ce qui est largement en dessous du niveau de 2 % préconisé par l’OTAN.

Or, depuis 15 ans, on ne peut plus ignorer les velléités politiques, économiques et diplomatiques de la Russie et de la Chine.

En entendant le président russe brandir la menace de l’arme atomique, on ne peut plus plaider la naïveté. En voyant ses troupes tirer sans vergogne sur une centrale électrique nucléaire, on doit réaliser avec effroi qu’on est passé à un cheveu de la catastrophe.

Manifestement, la donne a changé. Le Canada doit en prendre acte. Et agir. À l’image de l’Allemagne, qui a annoncé dimanche dernier qu’elle injectera 100 milliards d’euros dans sa défense et portera ses dépenses militaires de 1,4 % à 2 % de son PIB. Il s’agit d’un retournement politique considérable pour un pays beaucoup plus porté sur la dissuasion que sur le conflit.

Bien sûr, la réaction de l’Allemagne s’explique par sa proximité avec l’Ukraine.

Mais au Canada, on a tendance à oublier que la Russie est aussi notre voisin. D’accord, personne ne s’attend à ce que la Russie envahisse le pôle Nord.

Mais avec le réchauffement climatique, les navires commerciaux seront de plus en plus nombreux à sillonner les eaux de l’Arctique. Et les Russes vont se rendre de plus en plus loin dans l’exploration des ressources naturelles marines.

Qui surveillera toute cette activité ?

Le Canada n’en a pas les moyens.

Il n’a même pas encore prévu de budget pour la modernisation de la chaîne de radars NORAD afin de permettre de détecter des missiles qui survoleraient l’Arctique.

Les décennies de sous-investissement chronique dans notre défense finiront par coûter cher. L’an dernier, par exemple, le Directeur parlementaire du budget a évalué que la facture de la construction de navires serait trois fois plus élevée que prévu, à 77 milliards de dollars. Ah oui, et la livraison sera en retard…

Le remplacement de nos avions de chasse, des modèles d’occasion achetés à l’Australie, pourrait être encore plus coûteux. Et on n’a pas encore parlé de sous-marins…

Mais au-delà des problèmes d’équipement, l’armée canadienne est aussi minée par la pénurie de main-d’œuvre. Il manque environ 10 % de l’effectif autorisé, qui se situe à 72 000 militaires. Ce n’est pas le scandale des agressions sexuelles qu’on a laissé pourrir pendant des années, faute de leadership, qui a favorisé le recrutement.

Il est temps que le gouvernement fasse preuve d’une plus grande volonté politique en matière de défense nationale.

Surtout, il doit mettre de côté la partisanerie qu’on a trop souvent vue dans le passé. Rappelez-vous en 2015 quand le gouvernement Trudeau a jeté aux poubelles le projet conservateur d’acheter des F-35. Et voici que, sept ans plus tard, il risque fort d’annoncer sous peu qu’il achètera… des F-35 !

Si on veut voir venir les coups, il faut développer une vision stratégique, ce qu’on ne retrouve pas dans le plan déposé par les libéraux en 2017.

Avec des budgets limités, il est utopique de développer une armée qui peut tout faire toute seule, dans un contexte où le Canada n’ira jamais à la guerre sans ses alliés, de toute façon.

Alors, il vaut mieux se concentrer sur certains domaines clés qui permettraient idéalement de développer des secteurs de pointe au Canada (ex. : les drones). Et le faire comme il faut.

S’il y a une leçon à retenir de l’invasion de l’Ukraine, c’est que nous devons revoir notre stratégie militaire si nous ne voulons pas que l’histoire s’écrive sans nous. Si on ne veut pas que notre réputation soit ternie auprès de nos alliés.

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