Pouvez-vous croire que près de 50 000 familles québécoises risquent de se retrouver dans un fameux pétrin la semaine prochaine à cause d’une broutille ?

Il ne reste que 6 millions de dollars d’écart entre les demandes des travailleurs des centres de la petite enfance (CPE) et la proposition de Québec, ce qui est bien peu par rapport aux 140 millions déjà offerts.

On pourrait penser qu’on est à un cheveu de s’entendre. Et pourtant, le conflit n’a fait que s’envenimer cette semaine.

Les membres de deux des trois syndicats ont voté à plus de 90 % en faveur d’une grève illimitée qui pourrait débuter dès mercredi prochain.

De son côté, la responsable du Conseil du trésor, Sonia LeBel, a brandi la menace d’une loi spéciale pour mettre fin au conflit.

De grâce, rangeons ces armes nucléaires. Pensons un instant aux familles qui sont coincées au cœur de ce conflit. Rappelons-nous que les parents de jeunes enfants ont été particulièrement éprouvés durant la pandémie.

Travailler de la maison tout en s’occupant de jeunes enfants durant le confinement, ça épuise.

Courir passer un test de dépistage au moindre nez qui coule – Dieu sait que ça arrive souvent quand les bambins font leurs premiers pas à la garderie –, ça met les nerfs en boule.

Rester en quarantaine avec la marmaille lorsqu’une éclosion survient, ça chamboule un horaire de travail.

À la veille du temps des Fêtes, la dernière chose dont les familles ont besoin, c’est d’une grève illimitée à la garderie.

Québec et les syndicats doivent s’entendre. Et vite !

Dans les faits, on est bien près d’une poignée de main.

L’affaire est pas mal dans la poche pour le salaire des éducatrices. Québec offre aux éducatrices spécialisées une hausse de 13 % au premier échelon et de 19 % au dernier, sur trois ans.

La partie syndicale réclame 20 % dès les premiers échelons, afin que le métier attire la relève qui s’effrite dangereusement. Le nombre de finissants en techniques d’éducation à l’enfance a plongé de 23 % l’an dernier.

Mais cette demande coûterait cher – environ 200 millions par année – et les syndicats admettent que le rattrapage déjà promis par Québec – qui ferait passer le salaire maximal d’environ 45 800 $ à 54 600 $ par année – est une offre décente.

Si les éducatrices continuent de se battre, c’est pour les autres corps de métier, une solidarité qui est tout à leur honneur puisque leur fonds de grève dégarni ne leur versera pas grand-chose en échange de leurs heures de piquetage au froid et à la pluie.

Mais les syndicats ne veulent pas abandonner la partie, sachant qu’ils ne retrouveront pas de sitôt un contexte aussi favorable pour négocier un rattrapage pour les employés de soutien des CPE.

Prenons les agentes de soutien pédagogique. Avec l’augmentation de seulement 6 % que leur offre le gouvernement, elles se retrouveront avec des salaires inférieurs aux éducatrices, ce qui est aberrant compte tenu de leurs tâches.

Prenons d’autres corps de métier, comme les responsables en alimentation qui se voient offrir 9 % de hausse. Pour Québec, il s’agit d’une question d’équité envers les autres bas salariés de la fonction publique à qui on a offert sensiblement la même chose.

On comprend que Québec ait favorisé certains métiers, comme les infirmières, les préposées aux bénéficiaires, les professeurs et les éducatrices, toutes des professions féminines qui avaient un urgent besoin de rattrapage.

Cette approche différenciée a du sens.

Et on réalise que le gouvernement ne peut pas être aussi généreux avec l’ensemble de la fonction publique. Sauf que si la CAQ veut vraiment être équitable, elle doit se rendre compte que les employés de soutien dans les CPE sont bien moins payés que des employés qui occupent un poste équivalent ailleurs dans le réseau public.

Par exemple, les responsables en alimentation ont un taux horaire de 20,67 $ au dernier échelon. L’offre de Québec les mènerait à 22,59 $, ce qui reste largement en dessous du taux de 26,57 $ dans le reste du réseau public. Les syndicats seraient heureux à 23,72 $, soit une hausse de 15 % au lieu de 9 %.

À travers cette bordée de chiffres, on constate qu’il n’y a qu’un simple dollar d’écart entre l’offre de Québec et la demande syndicale.

Somme toute, on s’obstine pour un montant assez insignifiant qui s’applique à un nombre restreint d’employés, puisque les CPE comptent seulement 3200 employés de soutien.

Au bout du compte, la différence n’est donc que de 6 millions par année.

Tout ça alors qu’Ottawa s’est engagé à verser 6 milliards sur cinq ans à Québec dans le cadre du déploiement de son programme national de garderie. Alors que le déficit de la province est deux fois moins élevé que prévu, grâce au rebond exceptionnel de l’économie québécoise.

Tant une grève qu’une loi spéciale risquent de décourager les travailleurs des CPE. Déjà, le manque de personnel cause des ruptures de service et des fermetures qui empêchent les parents d’aller travailler.

Avec la pénurie de main-d’œuvre qui fait rage, ce n’est pas le temps d’empirer la situation.

Québec et les syndicats sont condamnés à s’entendre.

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