Même si les coups viennent parfois très vite, l’Assemblée nationale n’est pas un tournoi de tennis du Grand Chelem. 

À Wimbledon, les têtes de série obtiennent un laissez-passer qui les amène directement sur le court, sans passer par la ronde de qualifications.

Mais à Québec, il serait temps de revoir la vieille tradition qui veut que les partis politiques ne présentent pas de candidat lors d’une élection complémentaire afin de permettre au chef d’un parti adverse de faire son entrée à l’Assemblée nationale.

Une élection complémentaire, il y en aura bientôt une dans la circonscription de Marie-Victorin, laissée vacante à la suite de l’élection de Catherine Fournier comme mairesse de Longueuil. Cela ouvre la porte à Paul St-Pierre Plamondon, nommé chef du Parti québécois en octobre 2020, sans être député.

Doit-on lui laisser le champ libre ? Rien ne l’oblige. Il n’y a aucune convention écrite ou non écrite en ce sens. Juste une tradition informelle qui a souvent été appliquée au cours des dernières décennies.

En 1996, le Parti libéral (PLQ) et l’Action démocratique n’ont pas présenté de candidat contre Lucien Bouchard dans la circonscription de Jonquière, ce qui lui a permis d’être élu avec 95 % des voix et de prendre le relais de Jacques Parizeau comme premier ministre.

Les libéraux n’ont pas non plus présenté de candidats contre André Boisclair, en 2006, ni contre Pauline Marois, en 2007. À son tour, la première ministre a laissé le champ libre, en 2013, au chef libéral Philippe Couillard.

Puis en 2017, le chef péquiste, Jean-François Lisée, n’avait pas fait obstacle au solidaire Gabriel Nadeau-Dubois, espérant que les deux partis se partageraient les circonscriptions lors des élections générales, ce qui n’a jamais fonctionné.

Ce qui nous mène à aujourd’hui…

Pour la cheffe libérale, Dominique Anglade, permettre à Paul St-Pierre Plamondon d’entrer à l’Assemblée nationale sans opposition est la « chose élégante à faire ».

D’accord. Mais cette « élégance » ne coûte pas cher aux libéraux, qui sont arrivés quatrièmes dans Marie-Victorin aux dernières élections. Et s’ils devaient présenter un candidat, le résultat pourrait être encore plus désastreux, compte tenu des querelles internes qui minent le parti.

De son côté, Québec solidaire a bien l’intention de faire campagne. Le parti se sent porté par le vent de changement qui souffle depuis l’élection de plusieurs maires progressistes dont le message rejoint le sien sur le logement abordable et le transport.

On comprend donc que les solidaires ne veuillent pas céder le passage.

Il est vrai que l’entrée de Paul St-Pierre Plamondon permettrait au PQ de mieux présenter ses idées et de poser des questions à l’Assemblée nationale, enrichissant ainsi la joute politique. Mais dans une démocratie, on ne doit pas priver les électeurs de la possibilité d’exprimer leur véritable choix.

Les temps ont changé au Québec. L’ancien « fair-play » politique se joue moins bien avec la multiplication des partis, dont certains de petite taille. Où tracer la ligne ? Offrir un laissez-passer à un premier ministre ou à un chef de l’opposition est une chose. Mais déroulerait-on le tapis rouge de l’Assemblée nationale pour un petit parti comme celui d’Éric Duhaime qui ne compte qu’une seule députée, élue sous une autre bannière ?

Idéalement, un chef doit gagner l’électorat grâce à son charisme, sa personnalité et ses idées, plutôt que de s’imposer lors d’un scrutin sans compétition.

Cela laisse Paul St-Pierre Plamondon face à un affreux dilemme. Marie-Victorin n’est plus le bastion péquiste qu’il était. Aux dernières élections, Catherine Fournier l’a remporté de justesse, avec une avance de seulement 705 votes.

Si la CAQ décide de présenter un candidat, elle a toutes les chances de gagner, puisque les sondages lui donnent plus de la moitié du vote populaire dans le 450, très loin devant les autres partis.

Si Paul St-Pierre Plamondon se présente et perd, il démoralisera les membres du PQ à la veille des élections générales. Et s’il ne se présente pas, il aura l’air de manquer de confiance en lui.

Mais cette impasse n’est pas une raison pour lui offrir une circonscription sur un plateau d’argent.

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