Chaque médaille a son revers. Celui de la solide reprise économique dont profite le Québec a un nom : inflation. Un peu partout, les prix sont en feu. Et ils risquent de brûler le pouvoir d’achat des ménages.

Jugez vous-même.

Cette semaine, le prix de l’essence à la pompe a atteint 1,55 $ le litre, à Montréal, soit 50 cents de plus qu’il y a un an. On est loin des heures sombres de la pandémie où le prix du baril de pétrole était même devenu négatif.

Vendredi, Hydro-Québec a annoncé une augmentation de ses tarifs de 2,6 % à partir du 1er avril, ce qui fait regretter le temps où la Régie de l’Énergie pouvait exercer un jugement critique et tempérer les ardeurs de la société d’État qui fixe maintenant ses tarifs en fonction de l’inflation. Point.

Ah oui, et pendant ce temps, le prix du bacon a explosé de 20 % depuis un an. À ce rythme, il y a des ménages qui vont finir par payer leur épicerie en 12 versements égaux !

On fait des blagues, mais il n’y a pas de quoi rigoler face au retour en force de l’inflation. En fait, l’indice des prix à la consommation a grimpé de 5,1 % au Québec, en septembre. Du jamais vu en 30 ans.

Et même si la hausse est particulière forte du côté du transport (+ 10,3 %), elle est quand même largement répandue dans les autres secteurs comme le logement (+ 4,4 %) et les aliments (+ 4 %).

Les pauvres vont y goûter

Malheureusement, les plus pauvres risquent davantage de se faire manger la laine sur le dos.

Au Québec, les moins nantis consacrent 62 % de leur budget aux dépenses essentielles, par rapport à seulement 27 % pour les plus aisés.

Quand on regarde les chiffres de Statistique Canada de plus près, on voit que les familles du quintile inférieur (celles faisant partie des 20 % ayant les revenus les moins élevés) allouent 14 % de leur budget à l’achat d’aliments à l’épicerie, exactement le double de celles du quintile supérieur.

C’est la même histoire pour le logement : les familles moins nanties y consacrent 32 % de leurs revenus, presque deux fois plus que les plus aisées (17 %).

Pour les familles en bas de l’échelle, difficile d’arrêter de chauffer en hiver, difficile de ne pas faire le plein pour aller travailler, difficile de couper dans l’os quand on a une famille à nourrir.

Il est vrai que la pénurie de main-d’œuvre devrait pousser davantage les salaires à la hausse. Plus de la moitié des entreprises s’attendent à une accélération de la croissance des salaires, une proportion qui n’a jamais été si forte depuis que la Banque du Canada compile les données.

Mais pour l’instant, les augmentations de salaire de 2,4 % pour l’ensemble des employés au Québec sont loin d’être suffisantes pour absorber l’augmentation des prix.

Les consommateurs peuvent toujours puiser dans le confortable coussin d’épargnes qu’ils ont accumulé durant la pandémie. Mais ici encore, ce sont surtout les mieux nantis qui ont mis des sous de côté, et non pas les bas salariés – en particulier les jeunes et les femmes – qui ont subi de plein fouet les pertes d’emploi.

Un peu de « bacon » fiscal

Évidemment, c’est le rôle de la Banque du Canada de maintenir l’inflation autour de la cible de 2 %. C’est carrément sa raison d’être.

Et les gouvernements doivent prendre garde d’instaurer des mesures permanentes pour lutter contre un problème qui pourrait être temporaire, puisque l’inflation découle en bonne partie des ruptures dans les chaînes d’approvisionnement que la pandémie a provoquées à travers le monde.

Mais ce n’est pas une raison pour rester les bras croisés.

Il était donc rassurant de voir, cette semaine, la ministre des Finances Chrystia Freeland concentrer l’aide d’Ottawa vers les secteurs qui demeurent ébranlés par la pandémie.

De son côté, le premier ministre François Legault semble bien conscient de l’impact « énorme » de la hausse des prix sur le portefeuille des Québécois. Son ministre des Finances, Eric Girard, devrait donc inclure dans son énoncé économique de la fin novembre des mesures pour aider les Québécois.

La CAQ se targue d’avoir accordé des allégements fiscaux de 2,3 milliards par année aux contribuables, notamment avec la réduction des taxes scolaires, la diminution des frais de garde et les Allocations famille.

Maintenant que les familles ont été gâtées, il serait temps de penser aux personnes en bas de l’échelle et en particulier aux célibataires qui doivent assumer seuls toutes ces factures de plus en plus lourdes.

La lutte contre la pauvreté ne fait pas gagner des élections. Mais à l’heure où l’insécurité alimentaire est en forte hausse, un peu plus de « bacon » pour les démunis ne ferait pas de tort.

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