Le grand solstice. C’est le nom du magnifique spectacle que la chanteuse inuk Elisapie Isaac a orchestré pour la Journée nationale des peuples autochtones, le 21 juin. Un spectacle télévisuel de grande qualité qui a mis en lumière le talent de plus de 30 artistes autochtones et allochtones.

Un spectacle qui était aussi un plaidoyer.

Et pourquoi le 21 juin ne deviendrait-il pas un jour férié comme la fête nationale du Québec le 24 juin et celle du Canada le 1er juillet ? C’est ce qu’a demandé à plusieurs reprises la grande instigatrice de la célébration, à qui d’autres ont emboîté le pas.

Après tout, beaucoup d’Autochtones au Québec célèbrent depuis des générations la plus longue journée de l’année. Le gouvernement fédéral reconnaît formellement la Journée nationale des peuples autochtones depuis 1996.

Pourquoi ne pas aller plus loin en en faisant un jour férié ? La question est tout à fait légitime et mérite au moins d’être étudiée.

Malheureusement, le premier ministre du Québec, interrogé par des journalistes à ce sujet, a balayé la suggestion d’un revers de main. « On n’est pas en faveur d’ajouter des journées fériées au Québec pour quelque raison que ce soit, a répondu François Legault lundi. On en a, toutes proportions gardées, déjà beaucoup. »

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Ah bon ? Le calendrier déborde de jours fériés dans la province ? Ce n’est pourtant pas ce que l’exercice des comparaisons nous permet de constater.

Le Québec a huit jours fériés reconnus officiellement, soit un des plus petits nombres répertoriés en Occident. Déjà, les travailleurs québécois qui ont aussi droit aux jours fériés fédéraux (les employés des banques et des postes, les fonctionnaires fédéraux, notamment) en ont 12.

Ailleurs ? La France a 11 fériés, l’Allemagne en a 9 et nos voisins américains, 12 !

Oui, vous avez bien lu, les États-Unis – loin d’être les champions des vacances – ont 50 % plus de jours fériés que les Québécois.

Le gouvernement américain vient tout juste de rajouter le 19 juin au calendrier des jours chômés et payés, un férié qui existait dans plusieurs États, mais qui devient national. Le Juneteenth, qui vient d’une contraction des mots juin et dix-neuf en anglais, permet dans tout le pays de marquer la fin de l’esclavage. Après la mort de George Floyd sous le genou d’un policier et le mouvement Black Lives Matter, ça s’imposait.

Et ce n’est pas le seul jour férié à connotation politique ou commémorative aux États-Unis. Le 21 janvier souligne l’apport extraordinaire de Martin Luther King Jr. alors que le 27 mai, tout comme le 11 novembre, sont dédiés aux Américains tombés à la guerre. Le troisième lundi de février, appelé Jour des présidents, coïncide avec la date de naissance de George Washington et met en lumière la vie et l’apport des 46 présidents américains.

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Non, un jour férié n’est pas seulement une journée de congé payé. C’est aussi la reconnaissance de l’importance d’une date ou d’un évènement. Alors que le pays entier parle enfin de la réconciliation avec les peuples autochtones, ce n’est pas farfelu de se pencher sérieusement sur la possibilité de revoir notre calendrier collectif plutôt que de refuser la suggestion de manière expéditive dans un point de presse.

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D’ailleurs, pas plus tard que le 3 juin, le projet de loi créant un jour férié fédéral le 30 septembre a reçu la sanction royale à Ottawa et permettra de commémorer l’héritage terrible des pensionnats autochtones. Le gouvernement Legault ne considère pas pour le moment emprunter le chemin tracé par Ottawa.

Bien sûr, créer un jour férié ne vient pas sans une facture. Le nouveau congé du 30 septembre coûtera 166 millions au gouvernement fédéral et 223 millions aux employeurs sous réglementation fédérale. C’est un pensez-y-bien.

Il y a aussi des questions plus pressantes dans le dossier autochtone, dont les services de protection à l’enfance, qui méritent une attention immédiate. Par ailleurs, on ne demande donc pas au gouvernement du Québec de promettre aveuglément l’apparition d’un jour férié, le 21 juin ou le 30 septembre, sans bien analyser l’impact et les bienfaits qui en découleraient.

Cette analyse doit être faite avec diligence, empathie et la compréhension que la reconstruction du lien de confiance avec les Premières Nations et les Inuits au Québec devra autant passer par des investissements dans les communautés autochtones que par l’éducation, la transmission de l’histoire, mais aussi la visibilité culturelle et la célébration du beau. Du transcendant.

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