Savez-vous que la Loi sur les Indiens, toujours en vigueur, donne un statut de mineur aux membres des Premières Nations qu’elle régit ? Ou que le taux de mortalité infantile est deux fois plus élevé chez les poupons autochtones que pour l’ensemble des bébés canadiens ? Ou encore que les longs silences font partie intégrante du mode de communication de beaucoup d’Atikamekw ?

Voilà quelques exemples d’informations tantôt surprenantes, tantôt accablantes, dont on prend connaissance lors de la formation de trois heures qu’ont reçue les 10 000 employés du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Lanaudière. Le tout a été préparé par une psychologue d’origines atikamekw nehirowisiw et québécoise, Sylvie Roy.

Cette formation a été l’un des médicaments prescrits après la mort de Joyce Echaquan, femme atikamekw de 37 ans qui s’est éteinte en septembre 2020 quelques minutes après avoir mis en ligne une vidéo dans laquelle on entendait une infirmière et une préposée aux bénéficiaires de l’hôpital de Joliette l’insulter alors qu’elle appelait à l’aide. Cette mort, qui fait l’objet d’une enquête publique du coroner ces jours-ci, a libéré la parole de beaucoup de membres de la nation atikamekw qui ont affirmé qu’ils craignaient de se faire soigner à cet hôpital.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

La mère de Joyce Echaquan, Diane Echaquan Dubé, avec ses petits-enfants lors d’une vigile devant l’hôpital de Joliette, en septembre 2020

D’ailleurs, la coroner Géhane Kamel et les avocats qui prennent part à l’enquête ont interrogé le personnel soignant sur cette formation. Tous n’ont pas été élogieux, affirmant, à tort, que le cours ne relate que l’histoire des Premières Nations sans donner d’outils de compréhension utiles aujourd’hui. D’autres à qui nous avons parlé directement croient que le contenu donné en ligne était trop laborieux. Sachant qu’ils ne seraient pas évalués sur les connaissances acquises, certains ont préféré plier leur linge ou regarder le hockey pendant que le cours en ligne roulait dans le beurre. Dommage. On appelle ça une occasion manquée.

On ne peut présumer cependant que ç’a été le cas de tous. Et pour ceux qui ont pris le temps d’écouter, il y avait dans la présentation de Mme Roy, que nous avons obtenue, un bon tour d’horizon des défis que rencontrent les membres des Premières Nations dans le système de santé du Québec ainsi que des pistes de solution.

C’est aussi un survol des terribles séquelles laissées par des décennies de politiques discriminatoires, mais que trop ignorent encore aujourd’hui, que ce soit par manque d’information, d’intérêt, ou n’ayons pas peur des mots, par pure mauvaise foi.

Car disons-le, s’il y a 10 ans, on trouvait assez peu d’informations sur les Premières Nations, les Métis et les Inuits dans l’espace public, ce n’est plus le cas du tout depuis le mouvement Idle No More de 2012, qui a ramené la question autochtone à l’avant-plan. Il y a assez de littérature, de documentaires, de films et de balados offerts sur l’internet pour meubler des années d’études.

Mais encore faut-il posséder les clés de base pour contextualiser cette information foisonnante. Et c’est là qu’une formation comme celle offerte aux employés du CISSS de Lanaudière peut s’avérer utile.

D’ailleurs, l’organisation compte aller plus loin et prépare d’autres volets éducatifs en collaboration avec l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Dans la tourmente actuelle, cette initiative est essentielle et devrait inspirer d’autres organisations et entreprises à faire de même.

Récemment, de nombreux projets ont d’ailleurs été annoncés en ce sens. Le contenu des manuels d’histoire destinés aux élèves du secondaire a été revu dans les dernières années pour aborder des questions liées au colonialisme et aux ravages des pensionnats autochtones. Le cégep de Rivière-du-Loup a mis sur pied une formation grand public sur les réalités autochtones. Le gouvernement du Québec a promis de repenser le programme de formation des futurs enseignants pour les rendre plus sensibles à la question autochtone.

Il faut applaudir tout ça et en redemander, toujours plus. Nous avons collectivement des croûtes à manger pour être à la page sur l’histoire, les cultures et les enjeux contemporains des nations autochtones. D’ailleurs, toutes les commissions d’enquête qui se sont penchées sur les relations entre les autochtones et les non-autochtones au cours des dernières années en sont venues au constat que la réconciliation devra nécessairement passer par l’éducation.

Ça semble assez élémentaire. Comment peut-on se réconcilier avec quelqu’un dont on ignore presque tout ? Poser la question, c’est y répondre.

Quelques ressources sur les réalités autochtones 

  • Document de survol des enjeux contemporains chez les Autochtones
Consultez le document
  • Synthèse du rapport de la commission Viens, qui a enquêté sur les relations entre les Autochtones et certains services publics du Québec
Consultez le rapport
  • Laissez-nous raconter : l’histoire crochie, émission balado de Radio-Canada dans laquelle les Autochtones parlent de leur propre histoire
Écoutez la balado
  • Beans, de la cinéaste mohawk Tracey Deer, qui vient tout juste de remporter les grands honneurs aux Prix Écrans canadiens
Regardez le film
  • Cheval indien, film basé sur le livre de Richard Wagamese, décrit l’enfer des pensionnats autochtones
Regardez la bande-annonce
  • Kukum, du journaliste Michel Jean, vendu à plus de 70 000 exemplaires, vient tout juste de remporter le Combat national des livres
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