S’il y a un coin de Montréal qui a le vent dans les voiles, c’est bien Verdun. Avec sa plage, sa dynamique rue Wellington et son magnifique parc en bordure du fleuve, ce quartier est arrivé en 11e place du palmarès des quartiers les plus cool du monde du magazine Time Out. Le maire de l’arrondissement, Jean-François Parenteau, pourrait surfer sur cette vague, mais au lieu de ça, il a annoncé qu’il jetait l’éponge.

Trop de haine.

Au-delà de l’individu, cette annonce doit nous inquiéter. Pour les élections à venir, mais aussi pour l’avenir pur et simple de notre démocratie.

Sur Facebook, Jean-François Parenteau explique qu’il a décidé de ne pas solliciter de troisième mandat pour plusieurs raisons, mais une en particulier a fait pencher la balance : les communications de plus en plus toxiques avec les citoyens l’ont usé à la corde.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Le maire de l’arrondissement de Verdun, Jean-François Parenteau, a décidé de ne pas solliciter de troisième mandat, notamment à cause des communications toxiques avec les citoyens.

« Même si je crois que la majorité des personnes font la part des choses, les attaques personnelles et les commentaires gratuits, de plus en plus présents, ont fini par m’atteindre », a-t-il écrit, admettant ressentir une grande fatigue.

Ce n’est pas la première fois qu’un élu municipal note le ton acrimonieux et les attaques tous azimuts dont il est la cible.

L’Union des municipalités du Québec a récemment lancé une campagne de sensibilisation prônant « la démocratie dans le respect, par respect pour la démocratie ».

M. Parenteau n’est aussi pas le premier à accrocher ses patins pour ce motif. Dans un éditorial consacré à la question, mon collègue Alexandre Sirois en avait nommé plusieurs à la grandeur de la province.

Lisez « On vaut mieux que ça, non ? »

Des élections désertées ?

Cependant, l’annonce de M. Parenteau, à quelques mois de la tenue des élections municipales, est de bien mauvais augure. Il suffit d’appeler les partis politiques municipaux à Montréal pour réaliser que cette haine qui se déverse sur les réseaux sociaux est en train de rendre le recrutement de nouveaux candidats vraiment ardu.

Qui a envie de quitter un beau travail valorisant pour atterrir conseiller municipal et se faire traiter de « nazi », de « meurtrier » ou d’« ordure » pour des histoires de pistes cyclables, de nids-de-poule ou de déneigement ?

Qui a envie de travailler de 70 à 80 heures par semaine pour passer son temps à se faire reprocher ceci et cela ?

De moins en moins de monde, dit-on en coulisses. Et ça risque d’avoir un impact direct sur les bulletins de vote du 7 novembre.

Ce flot de haine n’est pas réservé à la politique municipale. Aucun ordre de gouvernement n’y échappe. Parlez-en à Christine St-Pierre ! La députée libérale vient d’être couverte d’insultes après s’être fait vacciner.

Quand trop de démocratie tue la démocratie

On peut se consoler en observant que le phénomène est présent dans toutes les démocraties du monde. La pandémie, qui a confiné des milliards de personnes derrière leurs écrans, n’a fait qu’exacerber le climat toxique en ligne.

Professeure à Harvard, experte du leadership, Barbara Kellerman croit même que l’excès de critiques à l’égard des élus accélère l’émergence de leaders autoritaires. Ces derniers n’ont rien à cirer des opinions des citoyens. Du même coup, elle craint la disparition des leaders qui entretiennent un dialogue constant avec leurs électeurs. Comme Jean-François Parenteau.

Il y a bien sûr des solutions pour assainir l’air. Les élus peuvent et doivent porter plainte contre ceux qui les harcèlent, mais le processus est long et l’issue, pas toujours satisfaisante. On attend aussi d’une semaine à l’autre une loi fédérale, pilotée par le ministre Steven Guilbeault, qui balisera davantage les rapports en ligne.

Cependant, la véritable clé est entre les mains des citoyens, qui doivent se rappeler que si critiquer est un droit, il vient avec des responsabilités. De civilité et de juste mesure. Si on ne cesse de lancer le pot, où pousseront les fleurs ?

D’ailleurs, après son annonce, Jean-François Parenteau a été couvert d’éloges. Tout comme Dany Turcotte, après son départ de Tout le monde en parle.

Malheureusement, dans les deux cas, le torrent de compliments est venu trop tard. Les bons mots seraient beaucoup plus efficaces s’ils tombaient en averses sporadiques pour calmer çà et là le feu des critiques.

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