Depuis le début de son mandat, le gouvernement Legault a soutenu que l’éducation était pour lui une priorité et il a généralement agi en conséquence.

Il a revu à la hausse les budgets et a mis de l’avant des propositions – ainsi que plusieurs initiatives – visant notamment à favoriser la réussite des élèves et à valoriser la profession enseignante.

Ajoutons que malgré la pandémie, il a gardé le cap. La preuve ultime : les milieux scolaires ont été parmi les premiers secteurs à rouvrir. Au Québec, l’école passe avant le commerce de détail ; ce n’est pas rien !

On peut donc s’entendre sur le fait que le gouvernement caquiste est au chevet du système d’éducation. Et s’en réjouir. Ça change des coupes du précédent gouvernement.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

« On peut donc s’entendre sur le fait que le gouvernement caquiste est au chevet du système d’éducation », reconnaît Alexandre Sirois.

Mais… il y a un mais.

Un peu plus de deux ans après l’arrivée de la CAQ au pouvoir, on a l’impression qu’il y a un fossé encore trop grand entre les ambitions affichées et les actions posées. Qu’il y a de très bonnes intentions, mais beaucoup d’improvisation.

Ainsi, on observe parfois que les engagements se heurtent au mur de la réalité (comment expliquer, par exemple, ce refus de soutenir clairement l’amélioration des conditions de travail des enseignants dans le cadre de négociations en cours pour le renouvellement des conventions collectives ? ).

On constate que les interventions manquent parfois de cohérence et qu’elles n’ont pas galvanisé, comme prévu, les acteurs du réseau.

Et on a du mal à comprendre comment le programme du gouvernement finira par avoir un impact majeur sur le problème fondamental du système, à savoir les inégalités flagrantes, qui s’accentuent depuis trop longtemps.

En somme, c’est comme s’il manquait une vision d’ensemble. Une stratégie, issue d’une réflexion substantielle, basée sur la consultation des divers acteurs du milieu.

L’heure est venue de planifier un tel exercice. Une grande réflexion nationale sur l’éducation qui, si elle est bien menée, permettrait de mobiliser la société québécoise derrière un projet commun.

Ce n’est pas d’hier que des voix s’élèvent pour réclamer une telle initiative, qui serait la première, en éducation, depuis les états généraux du milieu des années 90.

Mais force est de constater que ces appels se font de plus en plus pressants.

Le plus récent – et il est de taille – a pris la forme d’une lettre rendue publique à la mi-janvier par 240 acteurs du milieu de l’éducation. Ils réclament « une réflexion en profondeur conduisant à un vaste plan de relance éducative de notre école ».

« Il est plus que jamais nécessaire que nous nous demandions collectivement quelle école nous voulons pour nos enfants », affirme ce mouvement, lancé par cinq professeurs de l’Université de Montréal et de l’UQAM : Maurice Tardif, Guy Bourgeault, Claude Lessard, Georges Leroux et Guy Rocher.

Découvrez la lettre

* * *

Les défis majeurs en éducation qu’on peine à relever au Québec sont encore nombreux.

Trop nombreux.

Il y a d’abord, tel qu’évoqué précédemment, les inégalités. Elles se creusent en raison de notre incapacité à brider ce qu’on décrit de plus en plus comme une école à trois vitesses (le public, le privé, mais aussi le public à projets particuliers).

Il y a la réussite scolaire ; le Québec a encore trop l’air d’un cancre en la matière. Au cœur de ce problème, il y a nos garçons. Pourquoi sont-ils si nombreux à décrocher ?

Il y a aussi les défis (ils recoupent les autres) liés aux élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage. Et ceux auxquels font face les enseignants. Plusieurs quittent la profession pour sauver leur peau et, forcément, on a du mal à les remplacer. Ce n’est ni normal ni tolérable.

On les connaît bien, ces problèmes, mais on est incapable de les résoudre. Et la pandémie est l’équivalent d’un bidon d’essence qu’on serait en train de verser sur ce feu.

Une réflexion collective sur le système, incluant tous les acteurs concernés, ferait œuvre utile.

Pas demain. Disons-le, la crise sanitaire est tout sauf un bon moment pour un tel exercice.

Mais il faut déjà commencer à y réfléchir si on veut en voir la couleur plus tôt que tard. Et pour s’assurer qu’il sera couronné de succès.

À ce sujet, parmi les experts consultés au cours des derniers jours, plusieurs ont signalé à quel point le choix des membres d’une éventuelle commission doit être fait avec doigté.

Il faut par ailleurs à tout prix éviter de jouer dans le même film qu’il y a 25 ans, alors que des états généraux ont mené à une réforme ayant complètement occulté les objectifs et les recommandations pour mettre de l’avant une approche socioconstructiviste de l’apprentissage.

D’ailleurs, le sort de l’héritage de cette réforme abracadabrantesque (et ses compétences transversales) est l’une des raisons pour lesquelles l’heure est venue de se concerter de nouveau. Il nous sert aussi de mise en garde.

Pour éviter un nouveau gâchis, Québec devra appliquer avec soin les solutions qui auront fait consensus et mettre en place une mécanique pour évaluer, par la suite, leur mise en œuvre.

* * *

Le premier à occuper le poste de ministre de l’Éducation du Québec fut Paul Gérin-Lajoie. Il estimait que « donner la priorité à l’éducation n’est pas qu’affaire budgétaire et de coopération interministérielle ».

Il l’a affirmé dans un recueil publié à la suite d’un colloque sur les 50 ans du ministère de l’Éducation du Québec en 2014.

Il précisait ainsi sa pensée : « Ce travail éducatif généralisé nécessite des investissements matériels, mais il exige surtout pour atteindre son but une mobilisation de tous les acteurs autour d’une vision partagée de l’avenir. »

Cette vision partagée de l’avenir, actuellement, nous fait défaut.

C’est devenu un problème pour le réseau. Pour tous ceux qui y œuvrent ainsi que pour nos enfants, les plus vulnérables par-dessus tout.

Il est temps d’y remédier.

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