L’éditorial de Stéphanie Grammond sur les honoraires des pharmaciens⁠1, publié le 1er avril, a suscité de nombreux commentaires. Voici un aperçu des courriels reçus.

Des abus bien connus des intervenants du milieu

Merci, merci, merci, Madame Grammond de dénoncer cette situation. Les abus des pharmaciens propriétaires (pas tous, mais un très grand nombre) sont connus depuis longtemps des intervenants du milieu, assureurs, courtiers, consultants et même du gouvernement, mais peu du grand public. L’entente de remboursement conclue entre les assureurs et l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) donne beaucoup trop de pouvoir à cette dernière et les assureurs ont (ou disent avoir) les mains liées et ont peur de se faire accuser de collusion. Après plus de 40 ans en assurance collective, pendant lesquels j’ai participé à d’innombrables conférences et comités, dont le comité Monmarquette, j’en suis venu à la conclusion, comme quelques autres observateurs indépendants, que la seule solution est l’imposition par le gouvernement des mêmes honoraires aux pharmaciens, que le patient soit couvert par la Régie de l’assurance maladie du Québec ou par un régime privé. Dans « Association québécoise des pharmaciens propriétaires », le mot « pharmaciens », qui fait référence à des professionnels de la santé, pourrait être enlevé : seul le mot « propriétaires », qui rime avec profits, est légitime.

Jacques L’Espérance, actuaire

Cherchez l’erreur

Je suis contente que vous parliez de ce sujet. Récemment, mon assurance privée, qui agit comme deuxième payeur, a refusé de payer une partie des honoraires du pharmacien, les considérant comme abusifs. Il s’agissait de comprimés de vitamine D (D-Tabs) et le coût des honoraires était plus élevé que celui des comprimés. Je me suis rendue à une autre pharmacie pour comparer les prix et on m’a expliqué que leurs honoraires étaient encore plus élevés pour cette vitamine. J’ai aussi demandé à cette personne pourquoi on exigeait l’équivalent de trois mois d’honoraires pour 90 comprimés (un par jour), alors qu’il ne s’agissait en fait que d’une seule et même manipulation. Est-ce que compter 90 comprimés plutôt que 30 est à ce point plus long et fastidieux qu’il faille tripler le montant des honoraires ? On m’a répondu que c’était une exigence de la RAMQ. Cherchez l’erreur !

Linda Craig, Montréal

Des frais mutualisés

Le vrai débat n’est pas que les assurances privées paient trop cher, c’est que la RAMQ ne paie pas assez. Oubliez-vous aussi les services pour lesquels la RAMQ paie et que les assurances ne paient pas ? Les transmissions de profil aux urgences, les opinions pharmaceutiques, les refus d’exécuter une ordonnance, la mise en piluliers, etc. Dans le PUC, tous ces frais sont mutualisés dans les fameux honoraires. Évidemment, nous pourrions plafonner les honoraires en échange d’une marge bénéficiaire sur le coût du médicament comme en Ontario : 10 % de 25 000 $, ça fait combien déjà ? On pourra même ajouter des honoraires à seulement 10 $ si vous voulez.

Maxime Laflamme, pharmacien propriétaire

Un lobby puissant

Je suis une professionnelle en ressources humaines, spécialisée en gestion d’avantages sociaux, donc de l’assurance collective et, effectivement, tout ce que vous dites dans cet éditorial est très bien documenté. Les pharmaciens au Québec sont un lobby très puissant. Ils font la pluie et le soleil, et c’est inadmissible. Cependant, lorsque vous dites que les assureurs ne font pas grand-chose pour faire baisser la facture, ce n’est pas entièrement vrai. L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) met beaucoup de pression sur le gouvernement et certains gains ont quand même été faits dans les dernières années. Mais il faut continuer la pression, car ce n’est pas normal que ce soit tant le Far West au Québec.

Isabelle Arrivault

Pris en otage

Excellent éditorial ! Un enjeu qui nous préoccupe grandement dans l’industrie de l’assurance collective. Un autre enjeu important souvent ignoré : les employeurs qui souhaitent mettre fin à la protection des médicaments doivent mettre fin à l’ensemble des garanties accident-maladie du régime ! Envoyer les employés au régime public pour la portion onéreuse des médicaments et continuer de leur offrir de l’assurance dentaire, de l’assurance salaire et de l’assurance voyage avec le régime privé ? Impossible ! La Loi sur l’assurance médicaments prévoit qu’un régime d’assurance collective qui offre des garanties accident-maladie doit obligatoirement offrir une protection d’assurance médicaments équivalente à celle du Régime général d’assurance médicaments (RGAM) offert par la RAMQ. Donc oui, les assurés des régimes privés sont pris en otage par les coûts faramineux de l’assurance médicaments pour bénéficier d’une couverture d’assurance invalidité ô combien importante et difficile à acheter sur le marché individuel…

Catherine Vézina, directrice des opérations chez ARC Group Benefits

Précieux conseils

Comparer les honoraires professionnels du régime public avec celui du régime privé est complètement irréaliste. Pour votre information, les honoraires que les pharmaciens reçoivent de la RAMQ sont passés date depuis des lunes. Et en ce moment, les pharmaciens et le gouvernement sont en négociations pour faire une refonte complète de la méthode de rémunération des pharmaciens propriétaires. Si vous avez besoin de conseils médicaux un soir ou un week-end, le pharmacien sera là pour vous et cela vous coûtera un gros 0 $ même si vous avez pris 15 minutes de son temps. Peut-on en dire autant des médecins, dentistes, avocats, etc. qui eux exigent des honoraires aussitôt que vous leur demandez conseil ?

Guylaine Vachon, pharmacienne

Des honoraires insuffisants à la RAMQ

Étant moi-même pharmacienne propriétaire, je suis très surprise, et déçue, par la manière dont est rédigé le dernier éditorial traitant des pharmacies. Il donne faussement l’impression que les pharmaciens sont des « voleurs » pour qui seul le profit a de l’importance.

Les « honoraires » dont il est question ne servent pas seulement à rémunérer le pharmacien, mais aussi à couvrir l’ensemble des frais connexes, allant de l’entreposage jusqu’aux frais d’électricité en passant par les salaires des employés. Ces frais sont en effet différents que le patient soit assuré par la RAMQ ou par le privé. Par contre, les honoraires payés par la RAMQ sont bien insuffisants pour couvrir les frais d’exploitation d’une pharmacie. Comparer les frais du privé avec ceux du public sans mentionner le fait que ces derniers sont dérisoires, omet de mettre les choses en perspective. Si un seul tarif réaliste devait s’appliquer, il se rapprocherait beaucoup plus de celui chargé au privé. Malheureusement, les exemples présentés dans l’éditorial sont des cas isolés et peu fréquents de médicaments onéreux pour lesquels des honoraires élevés ont été appliqués, médicaments qui sont majoritairement servis par une minorité de pharmacies du Québec étant donné leur complexité (pharmacies dites de spécialité). C’est très, très loin d’être le cas de la majorité des pharmacies, et loin de refléter les honoraires moyens qui sont demandés.

L’éditorial omet aussi un aspect important, soit celui qu’au final, les grands gagnants sont les assureurs privés. Ils refilent la facture au consommateur dès que possible. Pas question de réduire leur marge bénéficiaire. Quels ont été les profits nets de ces entreprises au courant des dernières années ? Juste à regarder les généreux bonus à leurs dirigeants pour en avoir une idée. C’est plutôt là qu’on devrait viser à plafonner…

D’un autre côté, la situation financière des pharmacies du Québec est loin d’être enviable, croyez-moi. Nous devons composer avec une marge de manœuvre de plus en plus mince puisque les coûts de fournitures, de service et d’exploitation augmentent vertigineusement alors que la rémunération provenant de l’assureur d’une majorité de nos patients, la RAMQ, stagne. La demande de service de la part des patients qui sont laissés à eux-mêmes dans notre système de santé dysfonctionnel, et donc la charge de travail de nos équipes, en contrepartie, augmente très rapidement. Nous sommes hypersollicités au quotidien et nous devons en faire de plus en plus, et ce, sans ressources supplémentaires. Plusieurs pharmacies réduisent leurs services et leurs heures d’ouverture pour limiter les pertes malgré la hausse de la demande. On voit bien que ce n’est pas un modèle financièrement viable.

Nous négocions depuis plusieurs années pour que ce modèle de rémunération archaïque, basé sur la distribution des médicaments, soit revu en entier. Mais nous sommes toujours dans l’attente.

L’éditorial profite de cette méconnaissance du modèle d’affaires que sont les pharmacies pour miner l’image de professionnels de la santé dévoués que nous sommes.

Combien coûte le conseil d’un pharmacien qui saura très souvent vous éviter une attente de cinq heures aux urgences ? 0 $.

Combien coûte le service de livraison de la médication parfois même sur de longues distances ? 0 $.

Vous comprendrez donc que l’image de « voleur » est très mal reçue.

Camille Dupuis-Brousseau, pharmacienne propriétaire

1. Lisez l’éditorial « Pharmacie : des honoraires de 100 000 $… pour un seul patient »