L’éditorial de Philippe Mercure sur le retrait de 5000 livres jeunesse par le Conseil scolaire catholique Providence de l’Ontario a fait réagir nos lecteurs. Voici un aperçu des courriels reçus.

Recommencer à zéro

C’en est rendu à un point où la moindre écriture et déclaration du passé fait l’objet d’un jugement instantané sans aucune réserve. À ce compte-là, recommençons à zéro l’histoire humaine.

Réjean Mercier

Inacceptable !

C’est inacceptable de brûler ou de mettre à l’index des livres. Ce genre de comportement réfère à des gouvernements totalitaires et à de l’intolérance face aux croyances de chacun. Nous ne pouvons pas réécrire l’Histoire. Il faut au contraire la faire connaître pour corriger les erreurs du passé. Il est décevant de constater que Justin Trudeau est incapable de défendre la démocratie et qu’il s’entoure de gens dont il n’a pas vérifié le curriculum vitæ !

Sylvie Pilon, Belœil

Les leçons de l’Histoire

Ceux qui ignorent l’Histoire sont condamnés à la répéter. L’autodafé perpétré par les nazis fut le début d’une horreur sans nom qui a duré plus de six ans. Méfions-nous du geste insensé autorisé par la commission scolaire Providence. C’est ainsi que les escalades et les dérives abjectes commencent.

Michelle Bachand

Pas un drame

Notre vision des communautés autochtones a été construite par la destruction de celles-ci. Peu d’historiens et d’ethnologues américains ont porté un regard critique sur les faits qui ont conduit à l’effacement des véritables cultures amérindiennes. Sauf votre respect, la destruction de quelques bandes dessinées et de romans offensant les communautés et nations autochtones n’est en rien un drame comparativement aux torts qu’ils ont subis.

Yves Bécotte

Tenir les gens dans l’ignorance

En 2020, déjà, certaines universités du Québec et de l’Ontario avaient interdit que soit lu ou commenté le livre de Pierre Vallières, Nègres blancs d’Amérique, racontant l’exploitation des Canadiens français au Québec en les gardant dans la misère et les payant au plus bas salaire possible. La censure, c’est tenir les gens dans l’ignorance.

Sylvio Langlois

Ne pas effacer le passé

La personne de cette commission scolaire qui a pris l’initiative de faire ce geste absolument sans fondement manque de toute évidence de jugement et devrait être congédiée de son poste. On ne corrige pas les fautes de l’Histoire en les obnubilant. Pour ne pas reproduire les erreurs graves de l’Histoire, il faut l’étudier, la comprendre et, surtout, ne pas l’effacer et l’oublier.

Serge Dion

100 ans en arrière

Comme directrice adjointe d’un conseil scolaire en Ontario, j’ai été témoin du retrait de certains livres de nos salles de classe et bibliothèque (DSeuss, To Kill a Mockingbird). S’il vous plaît, continuons d’utiliser ces livres pour enseigner le parcours comme société face au racisme systémique au lieu de prétendre que rien de cela ne s’est produit en brûlant des livres. Cette façon de faire nous ramène 100 ans en arrière, au temps de ma grand-mère et des livres à l’index à la librairie Garneau !

Michèle Drouin-Mahaffy

Développer son esprit critique

Quand mon fils a commencé à lire des livres de Tintin, je lui ai fait remarquer les passages qui véhiculaient des préjugés dans Tintin au Congo ou Tintin en Amérique. On a discuté de tout le chemin parcouru depuis et du chemin qu’il reste à faire. C’est la meilleure façon de faire, ils doivent développer leur esprit critique. Ce n’est pas en brûlant des livres qu’on apprend cela.

Manon Brière

L’éducation, oui et toujours

Inclure des avertissements dans les livres problématiques, mettre des écriteaux sur les statues des personnages pour rappeler leurs zones d’ombre, quelle aberration et quel chemin sans issue. Pourquoi s’arrêter aux livres et aux statues ? Au début de la représentation de la plupart des opéras, devrions-nous entendre une présentation moralisatrice et ennuyeuse nous informant de ce qui n’est pas conforme aux mœurs d’aujourd’hui ? Quel mépris de l’intelligence des lecteurs et des auditeurs ! Quelle ignorance de ce que font quotidiennement les éducateurs (et pas seulement les enseignants), dont la mission est justement de développer l’intelligence et l’esprit critique, c’est-à-dire, en l’occurrence, mieux situer et mieux comprendre ce qui a été dit, écrit et chanté ! L’éducation, oui et toujours ; l’occultation et la prédication, non et jamais.

Benoit Lauzière

Mauvais présage

Brûler le passé ne laisse présager rien de bon pour le futur.

Jean-Guy Dalpé

Dictature déguisée

Brûler des livres, c’est restreindre le pouvoir de la pensée, c’est imposer, par une morale, ce qui est nécessaire pour une santé intellectuelle, c’est surtout, au nom de la rectitude, organiser un pouvoir de contrôle qui dicte les valeurs des citoyens. Bref, c’est le début d’une dictature déguisée dans le costume de la démocratie.

Michel Lefebvre, Montréal

Assumer son passé

Dans quelle sorte de société vivons-nous ? Une société qui veut réécrire l’Histoire à sa façon. Une société qui bâillonne ses enseignants. Une société qui décide arbitrairement de ce qui doit être censuré. Une société qui me fait penser aux dictatures ou aux théocraties qui cherchent à faire disparaître tout ce qui diffère le moindrement de leur vision étroite du monde. Moi, je préfère une société qui assume son passé, qui le garde en mémoire et qui n’hésite pas à en parler librement de façon à illustrer autant les erreurs que les vérités. Je ne connais pas d’autres façons d’avancer.

Pierre Lemelin

(Re)lisez l’éditorial de Philippe Mercure