Dans son éditorial de samedi, Alexandre Sirois vous demandait si vous étiez rassurés par la performance des élèves du secondaire dans le contexte de la COVID-19. Il semble que non, à lire la trentaine de commentaires que vous nous avez envoyés.

L’écart se creuse

Je suis enseignant au secondaire et je voulais vous partager ma réponse à la question : êtes-vous rassurés ? « Pas tellement. » Nous constatons un écart plus grand dans nos classes. Les plus forts, ou ceux qui ont poursuivi leurs apprentissages au printemps 2020, continuent de bien aller et n’ont pas vraiment de retard accumulé. Les plus faibles, ou ceux qui n’ont pas poursuivi leurs apprentissages au printemps 2020, n’ont pas comblé le retard. La question étant de savoir s’il est nécessaire de tout rattraper… je ne crois pas. Et puis il y a les élèves du deuxième cycle du secondaire. Il faut avouer que les journées à la maison ne sont pas aussi productives. C’est définitivement mieux que rien, mais cela ne permet pas de combler des retards. Donc pour ces élèves en particulier, je suis loin d’être rassuré.

– Ghislain Mireault

Nos cibles sont claires

Je suis enseignante de français en secondaire 1 et 2, je ne suis pas inquiète au sujet de la réussite de mes élèves. Dans notre établissement, nous n’avons pas, comme M. Roberge l’a laissé sous-entendre, diminué nos exigences. Nos cibles sont claires et les élèves savent ce qu’ils doivent atteindre pour les réussir. Les élèves de secondaire 2, il est vrai, ont un petit retard à rattraper. Cependant, l’annulation des évaluations de fin d’année du Ministère nous permettra d’enseigner plus longtemps et de pouvoir faire atteindre leurs cibles aux élèves.

– Caroline Potvin

Le tutorat, l’enfant pauvre

Jusqu’en novembre dernier, j’étais suppléante dans l’école primaire de ma municipalité. COVID-19 oblige vu mon âge, le cœur gros, j’ai dû arrêter parce que je mettais ma santé en danger. Quand le Ministère a annoncé les nouvelles mesures d’aide aux élèves, j’ai tenté de m’inscrire comme tuteur à distance. J’allais voir sur le site du Ministère toutes les semaines, et finalement, la semaine dernière, j’ai pu m’inscrire. Vous croyez que j’ai commencé à faire du tutorat à distance ? J’ai reçu un appel du centre des services éducatifs de ma région m’informant que le centre avait reçu 15 000 $ pour toutes les écoles (primaire, secondaire et éducation des adultes) qu’il dessert ! Et que personne ne savait encore comment ce service serait offert. Pendant ce temps, ces jeunes se découragent et accusent de plus en plus de retard. Donc, suis-je rassurée ? Non, pas du tout…

– Louise Dostaler

De l’aide dans les classes, pas après

Je suis enseignante au secondaire au premier cycle. Quand le ministre mentionne du tutorat pour les élèves en difficulté en annonçant des gros chiffres, plusieurs ont l’impression que c’est beaucoup… Au CSSRS à Sherbrooke, ça représente 2000 heures pour 50 écoles primaires et secondaires, ridicule ! De plus, il mentionne que cette aide devra être faite à l’extérieur des heures de cours. Pour plusieurs élèves en difficulté d’apprentissage, faire une heure de plus dans une journée d’école n’est pas du tout rentable. Ils sont en surcharge, la médication ne fait plus effet ou ils n’ont aucune motivation d’en faire plus. Ce qu’il faut, c’est de l’aide dans nos classes, les tuteurs doivent entendre ce que l’on enseigne et doivent travailler en étroite collaboration avec nous. Si un tuteur doit travailler le français avec un élève, il va y aller au pif en attendant de trouver quelles sont les notions plus difficiles pour cet élève et de précieuses heures de tutorat seront perdues. Si chaque tuteur communique avec l’enseignant, vous imaginez le temps pour ce dernier pour transmettre l’information, temps que nous n’avons pas, en passant… Pour répondre à votre question, non, je ne suis pas rassurée !

– Monique Plante

Pas de portrait fiable

Je suis enseignant depuis plus d’une dizaine d’années dans une école de Montréal et je ne suis pas rassuré. Je ne suis pas rassuré parce que personne n’est capable d’affirmer ce que les résultats du premier bulletin mesurent vraiment. La direction de l’école martèle depuis le début de l’année de bien faire attention avant de mettre de mauvaises notes (lire les notes réelles) aux élèves. Elle nous rappelle la situation difficile des élèves, la difficulté d’accès à l’internet et toutes les autres difficultés vécues par certains à la maison. Sans évaluations ministérielles standardisées qui permettent de vérifier ce que les élèves ont vraiment acquis comme compétences, nous sommes devant des chiffres qui ne valent pas plus que ce que les enseignants et les directions décident qu’ils valent. Nous, les enseignants, ne sommes pas insensibles devant les difficultés de nos élèves, nos critères de correction sont influencés par les élèves devant nous.

Bref, enlever les évaluations standardisées assure au gouvernement de ne pas trop avoir de problèmes puisque chacun peut évaluer ce qu’il veut comme il veut. Laisser les examens du Ministère aurait au moins brossé un portrait juste et fiable des élèves. Ensuite, nous aurions pu avoir une vraie conversation, basée sur des données probantes, sur les difficultés des élèves. À la suite de cette conversation, des actions auraient pu être mises en place. Quelque chose me dit que le gouvernement ne voulait pas vraiment avoir cette conversation, surtout en pleines négociations. Une fois le portrait connu, il aurait été de son devoir de trouver une solution. Une vraie.

– David Dufour, enseignant au secondaire

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