Une élection partielle moins de six mois après une élection générale est rarement un test important pour les partis politiques. Mais l’élection du 13 mars prochain dans Saint-Henri–Sainte-Anne n’est pas tant un test pour le gouvernement que, surtout, pour les partis de l’opposition.

Tous les observateurs s’entendent pour dire qu’il s’agit d’une course à deux entre le Parti libéral du Québec et Québec solidaire. Pour une rare fois, le parti au pouvoir n’est pas dans la course et le résultat de cette partielle n’entraînera aucun jugement sur le gouvernement de la Coalition avenir Québec.

Mais, cela dit, ce qui est le plus remarquable dans cette partielle, c’est l’indifférence que semblent afficher les partis politiques. Trois des cinq ont recours à un candidat défait à la dernière élection dans une autre circonscription, alors qu’un autre a choisi un jeune cadre du parti. Bref, il n’y a qu’un seul des candidats qui ait des liens avec Saint-Henri-Saint-Anne…

La CAQ a envoyé le signal de son désintérêt dès le départ. On y présente le président de l’aile jeunesse du parti, Victor Pelletier, qui n’avait aucun lien avec la circonscription et qui est l’exemple même de ce qu’on appelle un « poteau » dans le jargon politique : quelqu’un qui n’a aucune chance de l’emporter.

Parlant de poteaux, ce n’est qu’au cours des derniers jours qu’on a enfin vu un peu d’affichage montrant le candidat Pelletier, le parti ayant préféré tapisser la circonscription d’affiches de François Legault, promettant des baisses d’impôt dès cette année. Il est vrai que, historiquement, la CAQ n’a jamais dépassé le cap de 20 % dans cette circonscription.

Le Parti québécois a longtemps eu des prétentions dans cette circonscription ; on y avait même délégué une vedette, le Dr Réjean Thomas, en 1994, et ce dernier était passé à 641 voix de l’emporter.

Mais, depuis, la part des péquistes a constamment diminué pour ne plus compter que pour 8 % des voix au dernier scrutin. Cette fois, on y présente l’ancienne candidate dans Laval-des-Rapides, Andréanne Fiola, qui devra faire campagne sans son chef, Paul St-Pierre Plamondon ayant décidé qu’une tournée européenne était plus importante que du porte-à-porte dans le sud-ouest de Montréal.

Le candidat conservateur est Lucien Koty, défait dans Verdun en octobre dernier, et dont la notoriété doit plus à des déclarations controversées sur les vaccins et ses croyances que l’OTAN et la Communauté européenne utilisent l’Ukraine et l’ont amené à être en conflit avec la Russie.

Cela laisse un match à finir entre le Parti libéral du Québec et Québec solidaire. Et pour le PLQ, c’est un test important. La circonscription a toujours voté libéral depuis sa création en 1994 et les libéraux y ont présenté des vedettes comme Marguerite Blais et sa cheffe, Dominique Anglade.

Mais le recrutement ne fut pas facile. Le PLQ s’est finalement rabattu sur Christopher Baenninger, le président d’une agence de marketing et de communication, qui fut l’agneau sacrifié contre l’indélogeable Manon Massé dans Sainte-Marie–Saint-Jacques à l’élection d’octobre dernier.

Normalement, le profil du candidat devrait être intéressant pour une circonscription comme Saint-Henri–Sainte-Anne : c’est un quartier qui se gentrifie à la vitesse grand V et qui compte des quartiers comme Griffintown qui attire les jeunes professionnels comme le candidat libéral. Le groupe d’âge le plus important est composé des électeurs de 30 à 39 ans. Et l’âge moyen dans la circonscription est de moins de 40 ans.

En plus, la circonscription compte un tiers d’électeurs anglophones, traditionnellement une clientèle fidèle du Parti libéral. Et comme partout dans la communauté anglophone, la loi 96 ne passe pas et les libéraux espèrent que cela va mobiliser les anglophones à se présenter aux urnes.

Bref, ce devrait être une victoire relativement confortable pour un candidat libéral. Or, il n’en est rien. Sur le terrain on ne voit que très peu la présence libérale, comme si la morosité qui a suivi les résultats de la dernière élection ne s’était pas encore estompée.

À Québec solidaire, le choix du candidat ne fut jamais en doute. L’avocat spécialisé en immigration Guillaume Cliche-Rivard est passé à moins de 2800 voix de causer la surprise et de battre la cheffe libérale Dominique Anglade lors de l’élection générale.

Il fait surtout campagne sur les thèmes de l’exclusion et de la crise du logement, mais c’est aussi le seul candidat qui peut compter sur un appui solide de son parti, les autres députés solidaires étant très présents pour l’aider à devenir le 12e membre de leur caucus. Ce qui leur donnerait le statut de parti reconnu sans avoir à quémander des privilèges et effacerait un peu le résultat décevant d’octobre.

Comme dans toutes les élections partielles, la participation sera déterminante. En espérant que les électeurs seront plus intéressés que les partis politiques eux-mêmes.