Vous avez bien lu, ce n’est pas assez⁠1.

Les « redevances de développement » sont de nouveaux frais imposés par les villes, frais qui font hurler les promoteurs, mais qui devraient enchanter les citoyens, les environnementalistes, les urbanistes et les contribuables. Une vingtaine de villes du Québec ont adopté ou sont en voie d’adopter un règlement à cet égard.

Avant de vous expliquer le concept plus précisément, voici quelques chiffres pour justifier le titre de cette chronique.

Comme nous l’apprenions cette semaine, à Terrebonne, les redevances imposées aux promoteurs immobiliers s’élèvent à 5000 $ par logement et à Brossard, à 3527 $.

À Ottawa et à Toronto, elles s’élèvent respectivement à 21 878 $ et 55 012 $ par unité pour des immeubles d’appartements de plus de deux chambres à coucher. Vous avez bien lu : 55 012 $ par porte.

Mais ce n’est pas tout. Pour favoriser la densité, les redevances exigées pour la construction d’une maison unifamiliale vont jusqu’à 46 993 $ par porte à Ottawa et 93 978 $ à Toronto ! Plus le logement est loin du centre-ville d’Ottawa, plus la redevance coûte cher : c’est ce qui se fait de mieux en écofiscalité. Ces redevances sont payées une seule fois, au moment de la délivrance du permis de construction. Comme à Terrebonne et à Brossard, les projets de logement social et de logement abordable en sont exemptés. Certaines villes (comme Terrebonne) appliquent le même type de redevances aux projets institutionnels, industriels et commerciaux.

Expliquons le concept

La construction de nouveaux logements dans une ville génère des revenus de taxes foncières, mais elle génère également de nécessaires dépenses. En effet, avec la croissance, l’agrandissement des usines de traitement des eaux devient éventuellement incontournable, comme la construction de nouveaux postes d’incendie, de nouveaux centres communautaires, de nouveaux postes de police, de nouvelles bibliothèques, etc., tous des services de base auxquels les citoyens ont droit.

Ces dépenses sont présentement assumées grâce à la taxe foncière générale ou encore au service de la dette. C’est ce que les redevances corrigent, elles font payer les vrais coûts de la croissance urbaine par les promoteurs qui construisent les nouveaux quartiers et par ceux qui choisissent d’y habiter (parce que les promoteurs leur refilent une partie de la facture dans le prix des maisons). Grâce aux redevances, c’est dorénavant la croissance qui paie pour la croissance.

Ces frais peuvent réduire considérablement la pression sur la taxe foncière, donc permettre de consacrer une plus grande part de celle-ci à l’entretien des infrastructures existantes. À Vancouver, 75 % des investissements de la Ville sont faits grâce aux redevances. Mais ce n’est pas le plus important.

Les redevances permettent aussi d’orienter le développement quand elles augmentent en fonction de l’éloignement du centre-ville ou encore en fonction du type de logement (unifamilial ou multiple).

Grâce à elles, les promoteurs sont fortement incités à bâtir de la densité, aux bons endroits. La Ville de Mascouche réduit même les redevances si les édifices sont certifiés LEED (bâtiment vert) ! Dans un contexte d’urgence climatique, aucune ville ne devrait se passer d’un tel outil.

Les redevances permettent également de mieux planifier le développement urbain. Présentement, les villes construisent les nouveaux quartiers et, ensuite seulement, en fonction des fonds disponibles, elles construisent les infrastructures nécessaires aux nouveaux citoyens. Bibliothèques, pistes cyclables, parcs, postes de pompiers, postes de police supplémentaires arrivent des années après la construction des premières maisons.

Les redevances de développement permettent de construire les infrastructures nécessaires dès la construction du quartier, car les villes ont l’argent pour le faire et même l’obligation de le faire puisque les redevances ne doivent, légalement, servir qu’à ça.

L’équité envers l’État

Ce dernier argument en faveur des redevances est très important. Ce sont, en grande partie, les investissements publics qui déterminent la valeur d’une maison : la maison située à côté d’un parc, d’une bibliothèque ou d’un tramway vaudra plus cher à l’achat. Les redevances obligent, en quelque sorte, le promoteur à remettre à la collectivité la part des profits qu’il fait grâce aux investissements publics.

Et la crise du logement ?

Les redevances influenceront le prix des maisons, mais elles n’auront pas d’impact sur les vraies sources de la crise du logement : la lourdeur administrative à Québec et dans les villes, la croissance démographique, la spéculation sur les terrains laissés vacants, les réno-évictions, et, surtout, surtout, surtout, la faiblesse des investissements dans le logement social et abordable. Le logement abordable n’est pas juste une solution pour les plus démunis, c’est une solution pour tout le monde⁠2.

Pour terminer, je vous dirais que faire payer la croissance par la croissance, accepter de payer les vrais coûts du développement urbain, c’est ce que nous aurions dû faire depuis longtemps. Bravo aux villes qui ont le courage d’agir.

1. Le titre fait référence aux permis de construction à Terrebonne.

1. Lisez le texte d’André Dubuc 2. Lisez l’article d’Isabelle Ducas : « Logement social : les leçons de Vienne »