Les partis de gauche ont la fâcheuse habitude, quand vient le temps des autocritiques et du bilan des campagnes qui ont moins bien tourné, de ne pas faire trop de distinctions. Le plus souvent, on convient qu’on a « mal expliqué » une bonne politique. Ce qui signifie qu’on va l’abandonner…

C’est ce qui s’est passé au conseil national de Québec solidaire, la fin de semaine dernière. On a mal expliqué ce qui est devenu la « taxe orange », un impôt destiné aux contribuables dont la valeur des actifs dépassait le million de dollars. Elle était assortie d’un système de bonus-malus pour pénaliser les véhicules les plus polluants.

On se demande pourquoi ces deux politiques ont été jumelées. La première partie, la « taxe orange », était carrément malavisée. Alors que la seconde, au contraire, était une partie de la solution au défi du réchauffement climatique. La confusion entre deux dossiers qui auraient dû être traités très différemment a beaucoup nui à QS.

QS n’a jamais réussi à expliquer pourquoi ce qu’il aurait voulu être un « impôt sur la fortune » était, en fait, une attaque fiscale contre la classe moyenne. Ceux qui avaient une maison payée et un fonds de pension à maturité devenaient presque tous des millionnaires… mais sans le train de vie qu’on attache généralement à ce terme.

De toute façon, les impôts sur les grandes fortunes fonctionnent rarement. On a suffisamment utilisé la formule pour le savoir. Les plus riches ont accès aux meilleurs fiscalistes et aux instruments financiers offshore et peuvent donc trop souvent se soustraire au fisc.

Ça n’aide pas vraiment les finances publiques, c’est extrêmement impopulaire auprès de gens de la classe moyenne qui ont juste eu le « malheur » d’avoir une maison qui s’est appréciée et d’avoir contribué régulièrement à leur REER.

Par contre, un programme de bonus-malus pour inciter les citoyens à ne pas acheter de voitures très polluantes est une solution qui est déjà en vigueur dans plusieurs pays et qui fonctionne assez bien.

Ce n’est même pas particulièrement une politique de gauche : c’était l’une des premières initiatives du président français Emmanuel Macron – qui n’est pourtant pas un partisan de la Quatrième Internationale.

Quand on voit que, selon une étude publiée cette semaine par le professeur Pierre-Olivier Pineau, de HEC Montréal, les voitures ne comptaient plus, en 2021, que pour 20 % des ventes totales de véhicules, contre 71 % pour les VUS et autres camions légers, il est plus que temps de faire quelque chose pour inverser la tendance.

Sauf que, dans un tel cas, on ne parle pas d’une taxe, mais d’une mesure incitative dans le cadre plus large de la lutte contre les changements climatiques. C’est, surtout, une solution à un problème global et urgent. Ça fait partie d’une politique environnementale cohérente.

Et ça peut être très rentable électoralement. On dit que Québec solidaire a perdu des voix chez les plus de 35 ans, surtout dans les régions et la banlieue des grandes villes.

Il y a aussi un marché d’électeurs soucieux de l’environnement et du réchauffement climatique qui pourraient être séduits par les solutions de Québec solidaire. La préoccupation environnementale ne s’arrête pas aux ponts de l’île de Montréal et la lutte contre les changements climatiques ne préoccupe pas que les jeunes générations.

Dans la tournée régionale qu’il fera bientôt, le parti aura besoin d’écouter ceux qu’il rencontrera. Il doit raffiner son message sans faire trop de compromis sur les questions touchant l’environnement. Le réchauffement climatique va toucher les régions rurales tout autant, sinon plus, que les zones urbaines, et le monde agricole en particulier.

Mais, s’il ne veut pas se limiter éternellement à représenter les grandes villes, Québec solidaire ne doit pas se limiter à faire des tournées régionales. Il a tout intérêt à investir pour se doter d’instances régionales beaucoup plus fortes et dotées de ressources.

Cela lui servirait à la fois pour relayer, vers le parti et surtout vers l’aile parlementaire, les préoccupations des citoyens hors des grands centres et aussi lui permettre de développer une organisation politique forte partout sur le territoire québécois.

Le Parti québécois a longtemps, lui aussi, été considéré comme un parti montréalais. Lui aussi était handicapé par un mode de scrutin qui était déjà contesté.

Mais, dès sa fondation, le PQ s’était doté de fortes instances régionales – dont les prises de position sur certains sujets faisaient parfois damner René Lévesque, au point où il a songé à les abolir, mais qui, à la fin, ont contribué fortement à sa prise du pouvoir en 1976, quand le PQ est finalement « sorti de Montréal ».