L’ex-magnat de la construction Tony Accurso est sur le point de s’entendre avec les gouvernements, qui lui réclamaient des millions en impôts et en remboursement des frais qu’a engendrés la corruption. Ses entreprises et lui-même offrent un total de 48 millions à leurs créanciers : Québec, Ottawa et les villes de Montréal et de Laval.

Les gouvernements réclamaient au total 139 millions. « Ce sont quand même toutes des créances qui n’ont jamais été confirmées par des jugements », mentionne toutefois le contrôleur et syndic responsable des dossiers chez Raymond Chabot, Jean Gagnon.

Croulant sous de telles réclamations, Constructions Louisbourg ltée a fait faillite en juin dernier.

Les autres entreprises de Tony Accurso, dont Simard-Beaudry Construction inc., se sont placées sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) dès 2020. Quant à Accurso lui-même, il s’est placé sous la protection de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité en mai 2022.

Raymond Chabot doit présenter un plan d’arrangement conjoint dans les deux dossiers, et l’assemblée des créanciers doit voter pour l’approuver le 23 février. Un juge devra ensuite approuver l’entente avant la distribution des sommes, prévue en mai.

Le dernier rapport du contrôleur, déposé à la cour le 6 février, mentionne que Simard-Beaudry et les autres entreprises placées sous la LACC fourniront 39,7 millions pour rembourser les créanciers. Accurso, de son côté, paiera 8,3 millions dans le cadre de ses procédures personnelles, ajoute Jean Gagnon.

L’ex-entrepreneur conservera ses actifs

Les démarches ne prévoient pas la liquidation des actifs de l’entrepreneur déchu et de ses entreprises. L’une de ses sociétés contractera plutôt un prêt qui servira à rembourser les créanciers.

« Certains actifs vont ensuite être vendus, mais pas dans le cadre d’une vente de feu », explique l’un des avocats au dossier pour Accurso et ses entreprises, Paul Ryan.

Grâce au financement qu’il aura obtenu, l’homme d’affaires pourrait prendre le temps de bien négocier ses ventes d’actifs, selon ce qui est prévu.

L’identité du prêteur privé qui fera le financement est « confidentielle », dit Paul Ryan, tout en précisant qu’il ne s’agira pas de l’entreprise torontoise Third Eye Capital. Celle-ci a financé les projets d’Accurso quand les banques l’ont lâché, à partir de 2013.

Bilan complet confidentiel

Les documents énumérant les actifs des entreprises ne sont pas publics, Raymond Chabot les ayant produits sous scellés.

Le registre foncier permet néanmoins de constater que des terrains figurent parmi les principaux biens des entreprises d’Accurso.

L’une d’elles contrôle les sociétés en commandite qui détiennent un terrain au cœur du Quartier chinois à Montréal et une vaste propriété à Terrebonne. Ce sont vraisemblablement les plus importants actifs des entreprises d’Accurso.

Quant à son bilan personnel, il inclut, selon les documents du syndic, sa vaste résidence privée sur le bord du lac des Deux Montagnes, évaluée à 7,9 millions, ainsi qu’une collection de bouteilles de vin d’une valeur de 1 million de dollars.

Placement évaporé dans une biotech

Le plan du contrôleur Raymond Chabot, déposé le 6 février, permet d’apprendre qu’une des entreprises d’Accurso, 9054-9999 Québec inc., est actionnaire d’une petite société biopharmaceutique de Laval, Liminal Biosciences inc.

Inscrite à la Bourse américaine de sociétés technologiques NASDAQ, elle se spécialise dans « le développement de nouvelles petites molécules thérapeutiques distinctives pour les maladies inflammatoires, fibrotiques et métaboliques », selon son site internet.

Le plan du contrôleur mentionne que le placement indirect d’Accurso dans l’entreprise a déjà valu 64,5 millions, mais qu’il est évalué aujourd’hui à seulement 175 000 $.

Tony Accurso a été condamné à quatre ans de prison pour son rôle dans un vaste système de corruption à Laval. Il est en appel de cette décision en Cour suprême, et un juge a autorisé sa libération, estimant qu’il n’est pas un danger pour la société.