Après la municipalité de Longueuil qui s’inquiète du retard que le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE) accumule pour rendre sa décision de désigner la municipalité de Saint-Hubert zone d’innovation en aérospatiale, c’est au tour de la région de l’Abitibi-Témiscamingue de manifester une certaine impatience devant les délais pour confirmer la nomination espérée de Rouyn-Noranda comme zone d’innovation minière désignée.

Le concept des zones d’innovation a été annoncé en grande pompe par le gouvernement Legault en 2020. On voulait stimuler la collaboration entre les centres de recherche et les entreprises, favoriser le perfectionnement de la main-d’œuvre, augmenter les exportations dans des secteurs économiques et des régions cibles.

Deux ans plus tard, en 2022, le MEIE annonçait la création de deux premières zones d’innovation. Une première en sciences quantiques à l’Université de Sherbrooke et une autre en systèmes électroniques intelligents à Bromont, là où se retrouvent plusieurs entreprises impliquées dans le développement et la fabrication de semiconducteurs.

Une troisième a enfin vu le jour dans la région de Bécancour, Shawinigan et Trois-Rivières dans ce qui a été baptisé la Vallée de la transition énergétique, puisque c’est dans ce secteur bien précis que Québec a choisi d’implanter les entreprises qui gravitent autour de l’électrification des transports et de la filière batterie.

Ce qui est étonnant dans la désignation de ces trois premières zones d’innovation, c’est qu’elles sont toutes actives dans des secteurs en devenir ou en développement, là où le Québec n’a pas encore une masse conséquente comme c’est le cas dans les secteurs de l’aérospatiale, du biomédical, de l’aluminium, des mines ou du maritime.

« On a un peu l’impression que la désignation de la zone d’innovation minière tarde parce qu’on n’est pas dans un secteur sexy ou à la mode. Pourtant, c’est le secteur minier qui permettra de réaliser la transition énergétique et les métaux ne tombent pas du ciel, ils sont dans le sous-sol », rappelle avec beaucoup de sagesse Johanne Jean, présidente du comité de coordination de la zone d’innovation minière (ZIM).

Mme Jean était la personne toute désignée pour prendre en charge la direction du comité de coordination de la ZIM Abitibi-Témiscamingue, son parcours professionnel l’a naturellement conduite à ce nouveau défi.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Johanne Jean, présidente du comité de coordination de la zone d’innovation minière

Originaire du Lac-Saint-Jean, ingénieure géologue de formation, spécialisée en gestion de projet, Mme Jean s’est implantée en Abitibi au début des années 1980, où elle a été associée, professeure et vice-rectrice à l’enseignement à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) avant d’en devenir la rectrice de 2004 à 2017.

En 2017, elle a été nommée présidente du réseau de l’Université du Québec et a pris sa retraite le 1er janvier 2023. « Le comité est venu me chercher en mars et j’étais bien contente de m’y associer. Beaucoup de travail a été fait en deux ans par des bénévoles de tous les horizons, et on est prêt depuis un bout de temps pour rencontrer le comité de recommandation mis en place par le gouvernement », souligne la présidente.

Investissements et concertation

Tous les acteurs économiques de l’Abitibi-Témiscamingue se sont mobilisés autour de la création de la ZIM, parce que la région a une des meilleures expertises minières au monde, un savoir-faire centenaire qui a permis de développer aujourd’hui la mine autonome où de nombreuses opérations sont maintenant automatisées.

La région compte sur un bassin de plus de 400 entreprises impliquées dans l’exploration, l’exploitation ou le soutien à l’industrie minière. Des PME telles que Blais Industries (bâtisseur de mines), Technosub (fabricant de pompes ultrapuissantes) ou Forages Rouiller (expert en forage minier) exportent leurs produits partout dans le monde.

L’UQAT a mis sur pied, de concert avec Polytechnique, l’ETS et l’Université Laval, l’Institut de la mine intelligente et autonome, le MIA, qui va développer les nouvelles technologies pour faire du développement responsable des ressources avec l’intégration de l’intelligence artificielle (IA).

« On vise à générer 1 milliard d’investissements d’ici 2030 en lançant plusieurs initiatives qui vont faire de la ZIM un lieu d’innovation et de développement minier, mais aussi un milieu de vie où on pourra accueillir des experts de partout dans le monde », précise Johanne Jean.

La ZIM de l’Abitibi-Témiscamingue prévoit notamment construire un nouveau Pavillon Mine UQAT, agrandir le Centre de transfert de résidus industriels, créer un centre de cocréation artistique numérique, un carrefour de l’économie durable, une clinique de santé...

« On veut créer un laboratoire vivant en économie circulaire pour les matériaux stratégiques, bâtir des mines autonomes et intelligentes, et tout ça dans le respect de l’environnement et des communautés avec qui le secteur minier fait affaire », m’explique Johanne Jean.

La désignation officielle de zone d’innovation minière par le gouvernement Legault permettrait à l’Abitibi-Témiscamingue d’avoir les moyens financiers de mettre en place les structures nécessaires pour coordonner toutes les initiatives que le comité de coordination a développées depuis plus de deux ans.

« L’Abitibi-Témiscamingue, c’est grand, et chaque municipalité aurait aimé être désignée zone d’innovation minière, mais elles ont accepté que Rouyn-Noranda devienne le chef-lieu de ce ZIM et ça, c’est déjà une grande victoire régionale. Ça témoigne de notre volonté d’aller de l’avant », insiste Johanne Jean.