Faut-il maintenir la cible d’inflation, réorganiser l’immigration ? Comment stimuler l’innovation et la productivité ? Et quelle est la place du bonheur, dans tout ça ?

Voilà le genre de questions débattues à un colloque sur l’économie de l’UQAM, le vendredi 3 mai, organisé en l’honneur de trois éminents économistes de cette université, soit Pierre Fortin, Steve Ambler et Louis Phaneuf.

Les trois professeurs retraités ont eu droit à un concert d’éloges et notamment à un discours teinté d’humour d’Eric Girard, titulaire d’une maîtrise en économie de l’UQAM. Le ministre des Finances a vanté les grandes qualités de vulgarisateur de Pierre Fortin, entre autres, mais se rappelle avec effroi ses examens très difficiles en macroéconomie avancée…

Dans sa présentation, Pierre Fortin a rappelé les grands progrès du Québec depuis la Révolution tranquille. En 1960, 66 % des Québécois de 25 à 44 ans n’avaient pas de diplôme du secondaire, contre seulement 7 % aujourd’hui.

Le taux de chômage du Québec a régressé jusqu’à devenir plus faible qu’en Ontario de 1,5 point de pourcentage, alors qu’il dépassait souvent la province voisine de 3 points de pourcentage entre 1955 et 1990.

  • Dalibor Stevanovic, professeur, Steven Ambler, professeur émérite du département des sciences économiques de l’ESG UQAM, Stéphane Pallage, recteur de l’UQAM, Eric Girard, ministre des Finances et diplômé de l’ESG UQAM, Pierre Fortin, professeur émérite, Raquel Fonseca, professeure, et Julien Frédéric Martin, professeur du département des sciences économiques de l’ESG UQAM

    PHOTO JEAN-FRANÇOIS HAMELIN, FOURNIE PAR L’UQAM

    Dalibor Stevanovic, professeur, Steven Ambler, professeur émérite du département des sciences économiques de l’ESG UQAM, Stéphane Pallage, recteur de l’UQAM, Eric Girard, ministre des Finances et diplômé de l’ESG UQAM, Pierre Fortin, professeur émérite, Raquel Fonseca, professeure, et Julien Frédéric Martin, professeur du département des sciences économiques de l’ESG UQAM

  • Steven Ambler, professeur émérite du département des sciences économiques de l’ESG UQAM

    PHOTO JEAN-FRANÇOIS HAMELIN, FOURNIE PAR L’UQAM

    Steven Ambler, professeur émérite du département des sciences économiques de l’ESG UQAM

  • L’économiste Pierre Fortin, professeur émérite du département des sciences économiques de l’ESG UQAM

    PHOTO JEAN-FRANÇOIS HAMELIN, FOURNIE PAR L’UQAM

    L’économiste Pierre Fortin, professeur émérite du département des sciences économiques de l’ESG UQAM

  • Le professeur émérite Louis Phaneuf

    PHOTO FOURNIE PAR L’UQAM

    Le professeur émérite Louis Phaneuf

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L’économiste rappelle que le Québec est moins inégalitaire que l’Ontario ou les États-Unis et que les Québécois trônent au 6rang mondial de l’indice du bonheur. Et selon ses estimations, le Québec a récemment dépassé l’Ontario de 3 % en termes de niveau de vie si l’on tient compte du pouvoir d’achat, alors que l’écart était défavorable de 16 % en 1985.

« Nous ne sommes pas si poches qu’on le dit souvent, mais évitons d’être jovialistes », a dit Pierre Fortin, connu pour ses travaux sur le salaire minimum, les garderies et l’immigration, et que plusieurs décideurs politiques ont consulté depuis cinq décennies.

Un autre économiste de l’UQAM, Philip Merrigan, est toutefois venu souligner notre grand écart de niveau de vie avec les États-Unis, mesuré par le PIB par habitant. En 1990, la différence entre le Canada et les États-Unis était de 20 %, mais elle est aujourd’hui de 40 %.

Cet écart est toutefois faible et stable avec la France et le Royaume-Uni depuis 50 ans.

Un autre économiste conférencier, Henri-Paul Rousseau, est intervenu pour faire valoir qu’il faut aussi tenir compte des disparités de revenus dans le portrait. Aux États-Unis, un petit pourcentage de riches vient augmenter de beaucoup la moyenne du niveau de vie, dit-il.

Innovons, de grâce !

Philip Merrigan rappelle les retards du Canada en matière de recherche et développement. Ici, les dépenses de R&D représentent 1,7 % du PIB, contre environ 3 % en France et 3,5 % aux États-Unis. Le retard est d’autant plus désolant que la recherche favorise davantage les pays qui ont un niveau de scolarité élevé, comme le Canada.

Durant la période de questions, un consultant dans la salle, Denis Gauvreau, a dénoncé la faiblesse de l’innovation au Québec et au Canada, qu’il qualifie d’épouvantable.

Selon cet auteur d’un récent rapport sur le sujet, il y a beaucoup de travail à faire sur le transfert de l’innovation des universités vers les entreprises, notamment. Et les avantages fiscaux, qui ont un effet limité, devraient être mieux captés par les petites et moyennes entreprises.

Selon l’économiste Philip Merrigan, par ailleurs, l’immigration a bondi de 17,9 % depuis 2010 au Canada contre 8,2 % aux États-Unis. Pierre Fortin a plus tard redit qu’il jugeait incontrôlé ce bond de l’immigration au Canada, bond qui pourrait avoir un impact négatif sur le niveau de vie de la population.

« Avant, il y avait une immigration sélective. Mais avec l’immigration temporaire, ce sont maintenant les entreprises et les collèges et universités qui décident qui va et qui vient », a dit Pierre Fortin.

« Le Québec rajeunit plus vite »

De son côté, l’économiste Pierre-Carl Michaud, ex-uqamien rendu à HEC Montréal, s’est interrogé sur la productivité négligée d’un secteur qui accapare pourtant 42 % du PIB : le secteur public.

La hausse récente des salaires du secteur public aura-t-elle un effet sur la qualité et la quantité des services ? Ce ne fut pas le cas avec la hausse de la rémunération des médecins entre 2000 et 2016, note-t-il. Et maintenant ?

Outre la rémunération, il y a l’organisation des services. Il estime qu’avec le même budget futur, l’État pourrait quadrupler les services de soins à domicile pour les aînés, par exemple. Chaque dollar doit donc être investi judicieusement.1

Cela dit, comment bien mesurer la productivité dans le public, vu l’absence de profits ? Et si l’on prenait le taux de bonheur à long terme ? Ou encore l’espérance de vie, dont nos services publics sont en partie responsables ?

Depuis les années 1970, justement, l’espérance de vie a augmenté considérablement, signe de nos bons coups. Si bien qu’aujourd’hui, un Québécois de 50 ans a la même espérance de vie qu’une personne de 41 ans en 1970. En quelque sorte, on peut dire que les Québécois de 50 ans aujourd’hui sont aussi jeunes que ceux qui, en 1970, avaient 41 ans !

Cet équivalent biologique de 41 ans au Québec dépasse 44 ans dans les provinces de la Saskatchewan, du Manitoba et de Terre-Neuve-et-Labrador, tandis que la Colombie-Britannique est un peu au-dessus de 42 ans et l’Ontario, un peu en bas.

Bref, « le Québec rajeunit plus vite », dit Pierre-Carl Michaud. Cet avantage biologique du Québec sur l’Ontario est d’environ un an. Et comme la valeur d’une année de vie est de 250 000 $…

1. Lisez « Quatre fois plus de services pour la même facture »