Il est le plus ancien client de l’hôtel Sheraton centre-ville, où il vient séjourner une dizaine de jours par mois depuis 41 ans. Louis Le Duff, président du Groupe Le Duff et de Bridor, fabricant français de pains et de viennoiseries surgelés destinés aux restaurants, supermarchés et hôtels, poursuit inlassablement le développement de son entreprise fondée au milieu des années 1970, avec le Québec comme tête de pont pour l’Amérique.

Né dans une ferme maraîchère en Bretagne, Louis Le Duff a su rapidement qu’il allait devenir entrepreneur comme tous les membres de sa famille l’avaient été autour de lui. À 15 ans, il quitte l’école pour travailler à la ferme familiale, mais reprend ses études deux ans plus tard pour décrocher par la suite une bourse afin de venir faire un MBA en Amérique du Nord.

En 1970, il débarque à l’Université Columbia de New York pour y étudier un an, avant de préférer l’année suivante s’inscrire à l’Université de Sherbrooke, où le programme du MBA est davantage axé sur l’entrepreneuriat. Ce sera le début d’une longue liaison avec le Québec qui dure depuis ce jour.

« Durant mes études, j’ai lancé une crêperie au mont Orford que j’ai revendue en réalisant un très bon profit qui m’a permis de voyager à travers les États-Unis durant quatre ans », indique l’entrepreneur français.

En Amérique, il découvre la restauration rapide et la franchise, deux concepts qu’il va importer en France, où il ouvre un premier restaurant Brioche Dorée à Brest, en 1976.

« Je suis devenu professeur adjoint à l’Université tout en faisant mon Ph. D., ce qui me donnait des liquidités pour développer mon concept de franchises de la Brioche Dorée », relève l’entrepreneur, qui confesse ne pas savoir comment faire du pain, mais bien savoir comment les multiplier.

Quelques années plus tard, il ouvre un premier restaurant Brioche Dorée dans Hochelaga-Maisonneuve avec un atelier qui fabrique du pain et des viennoiseries pour les hôtels de Montréal.

En 1984, Bridor (contraction de Brioche et Dorée) construit une usine et son siège social nord-américain à Boucherville, qui fournira les supermarchés, les hôtels et les restaurants en pains et viennoiseries congelés pour l’ensemble de l’Amérique du Nord.

Le reste est de l’histoire. Le Groupe Le Duff réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires de 3,5 milliards US, compte 1050 restaurants en Europe, plus de 150 en Amérique du Nord sous les enseignes La Madeleine aux États-Unis et Au Pain Doré au Québec, une enseigne acquise par le Groupe Le Duff en 2008.

La multinationale du pain emploie 19 000 salariés à travers le monde dans ses usines et ses restaurants, dont 20 % sont corporatifs. En Amérique du Nord, le groupe poursuit son expansion à partir de son siège social de Boucherville, qui sera entièrement reconstruit dans la prochaine année, de même que son centre de R&D, et on y ajoutera une nouvelle académie culinaire.

« On a deux usines au Québec, une au Connecticut, une autre au New Jersey, et on va en construire deux autres dans l’ouest et le sud des États-Unis pour mieux couvrir le marché américain », m’explique Éric Juillet de Saint Lager, PDG de Bridor pour l’Amérique du Nord.

« On prévoit embaucher 800 personnes au cours des cinq prochaines années, dont 100 personnes de plus à notre siège social nord-américain de Boucherville, qui va compter 350 personnes. »

Le Groupe Le Duff est aussi présent en Asie, où il exploite une usine en Chine, à Pékin. Une nouvelle usine doit aussi ouvrir au Viêtnam, alors que la demande augmente sans cesse dans cette partie du monde.

« On a tous les grands hôtels 4, 5 et 6 étoiles en Asie et les grands restaurants. On en dessert plus de 59 000 dans le monde pour les touristes qui voyagent, mais aussi pour les Chinois qui ont découvert le pain et les viennoiseries en voyageant », souligne Louis Le Duff.

C’est en Amérique du Nord et au Mexique que le Groupe Le Duff prévoit enregistrer la plus forte expansion au cours des prochaines années, alors que ses produits congelés soulagent les opérateurs de supermarchés qui doivent composer avec la pénurie de main-d’œuvre.

« On enregistre aujourd’hui 1 milliard US de revenus avec nos opérations en Amérique du Nord. On double de chiffre d’affaires tous les quatre ans », relève Éric Juillet de Saint Lager.

À 77 ans, avec une fortune personnelle évaluée à plus de 2 milliards d’euros, selon le magazine Challenges, Louis Le Duff estime que son rôle aujourd’hui se rapproche davantage de celui d’un coach qui supervise ses équipes en place. « On s’est toujours associé avec les meilleurs pour offrir la meilleure qualité à nos clients », relève-t-il.

Très impliqué dans la promotion des meilleurs ouvriers et des meilleurs apprentis de France, le Fonds de dotation du Groupe Le Duff publie un cinquième et nouveau tome de Recettes et transmission, un livre de plus de 50 recettes des meilleurs ouvriers de France, qui a été désigné meilleur livre de recettes de chefs au monde.