Si les cartes de fidélité sont assurément de bonnes alliées pour économiser à l’épicerie, l’intérêt d’autres programmes n’est pas toujours évident. Leur niveau de complexité s’est accru et la valeur de certains points laisse pantois.

En plus, chaque commerce a développé sa propre stratégie, ce qui donne un peu le tournis. Se souvenir des particularités de chacune exige une mémoire digne de feu l’animateur Paul Houde. On en vient à regretter le temps où il n’existait que l’argent Canadian Tire. Alors on sort de moins en moins souvent les cartes qui remplissent notre portefeuille. Les sondages le confirment, mais on aurait pu le deviner.

Ce n’est pas faute de nouveautés censées faire le bonheur des consommateurs.

Un an après avoir frôlé la faillite, Air Miles est particulièrement actif et créatif pour renaître de ses cendres. Le programme multiplie les façons d’accumuler les milles. Je reçois parfois deux courriels de promotion… par jour.

Vous achetez des billets pour Disney ? On vous donnera 500 milles. Si votre Mastercard est liée et que vous dépensez 30 $ chez Dollarama, 10 milles seront déposés dans votre compte. Vous passez par le site web airmilesshops.ca pour acheter sur Amazon ? Vous aurez droit à un mille par tranche de 20 $. Tout cela demande une certaine organisation. Certains diront que c’est un euphémisme.

Un petit effort est aussi requis pour accumuler des milles dans n’importe quel supermarché avec la fonction Reçus Air Miles. Je la teste depuis le début de l’année et je suis étonnée par son efficacité. Il suffit de prendre en photo son reçu de caisse et de le transmettre à Air Miles, en passant par l’application. Temps de l’opération : 30 secondes. Une fois sur deux, je reçois instantanément quelques milles grâce aux pouvoirs de l’intelligence artificielle. Un délai de traitement de quelques heures est parfois requis.

Il faut quand même être motivé et y penser en vidant ses sacs d’épicerie. C’était plus simple de sortir sa carte bleue chez IGA.

Air Miles réserve évidemment ses offres les plus alléchantes aux détenteurs de la Mastercard BMO Air Miles, la BMO étant propriétaire du programme. Ils obtiennent deux fois les milles chez Costco, par exemple. La grande popularité de Costco devrait encourager les Québécois à conserver leur compte Air Miles, prédit Marie-Eve Leclerc, rédactrice en chef du site spécialisé dans les points de fidélité Milesopedia.

De son côté, Scène+ tente de s’imposer chez IGA. La carte donne droit à des rabais exclusifs sur certains aliments, ce qui ne fait pas l’unanimité chez les consommateurs.

Pire, on pourrait faire une épicerie de 225 $ sans nécessairement obtenir un seul point, car les récompenses sont offertes uniquement sur certains produits identifiés en circulaire et en magasin. L’application d’IGA propose, en parallèle, des offres personnalisées qu’il faut soit télécharger à la réception du courriel, soit consulter sur l’application pour en bénéficier, ce qui n’est pas clair en l’absence d’un bouton d’activation ou d’ajout comme on en voit chez les concurrents.

Expert des programmes de fidélité et associé chez R3 Marketing, Hans Laroche voit des indices qui lui laissent croire que quelque chose cloche pour IGA avec Scène+.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

L’expert des programmes de fidélité et associé chez R3 Marketing, Hans Laroche

Ils donnent des timbres pour des couteaux, tu peux prendre un rabais sur l’essence ou obtenir des points Scène+. Un détaillant ne peut pas avoir trois affaires à expliquer à ses clients ! Quand on fait ça, c’est parce que son programme ne fonctionne pas.

Hans Laroche, expert des programmes de fidélité et associé chez R3 Marketing

Comme cliente, cela dit, j’aime bien l’idée qu’on me propose des options.

Mais ce qui est encore mieux : des points automatiques en fonction du volume d’achat. C’est ce qu’offrent Metro, Jean Coutu et Brunet, avec la carte Moi. Ce n’est pas parfait, hélas, car l’accumulation est nettement plus avantageuse si on ajoute des coupons en passant par l’application de chacune des enseignes.

Super C accepte aussi la carte Moi, mais donne uniquement des points à l’achat de produits spécifiques… à condition de télécharger les coupons. Le même principe s’applique chez Maxi (programme PC Optimum). On ne s’en sort pas, tous les supermarchés cherchent à nous faire visiter leur application ou leur site web pour des points qui valent combien, au juste ?

L’existence de longs tutoriels en ligne pour démêler les consommateurs démontre à elle seule la complexité accrue des programmes, devenue très démotivante.

Je serais curieuse de connaître la proportion de consommateurs qui passent par le centre commercial d’Air Miles pour obtenir des milles en achetant chez Walmart ou H&M.

Saviez-vous qu’un voyage réservé sur Expedia donne des points Scène+ à condition d’utiliser le site travel.sceneplus.ca ou des Air Miles par l’entremise du site airmilesshops.ca ?

Avez-vous pris le temps de lier votre carte de crédit CIBC à votre compte Journie (Ultramar) pour économiser davantage ?

Saviez-vous que la carte Triangle, de Canadian Tire, était acceptée depuis mars dans les Petro-Canada ?

Je n’ai pas encore parlé de l’utilisation de tous ces points. Là encore, il faut être stratégique, lire sur la question et réfléchir pour faire des choix judicieux. C’est tellement complexe que des guides costauds se trouvent en ligne. Il n’y a pas de mauvaise décision à prendre au sujet de ses 50 000 points PC (valeur de 50 $), quoiqu’il vaille mieux attendre les évènements chez Pharmaprix au cours desquels la valeur des points est gonflée.

Mais quand on possède 175 000 points Aéroplan, c’est une autre histoire. J’ai comparé le nombre de points requis pour obtenir un billet d’avion d’une valeur de 300 $, jusqu’à New York en juin, et une chambre d’hôtel affichée à 300 $ pour la même date. Résultat : le vol coûte 25 911 points et la nuitée, 46 000 points. Ce genre d’écart, significatif, devrait idéalement être pris en compte, mais encore faut-il être un adepte de la calculatrice pour s’en rendre compte.

À une époque où les entreprises disent vouloir faciliter la vie de leurs clients en manque de temps, il serait temps que la fidélité soit moins compliquée.