Notre alimentation a beaucoup changé depuis 100 ans. Le kimchi, l’edamame et le chimichurri sont d’ailleurs entrés dans Le Petit Robert 2025. Cette diversification n’est pas près de s’arrêter, car l’industrie ne manque jamais d’imagination pour nous proposer de nouveaux produits.

Le SIAL, ou Salon international de l’alimentation, qui ouvre ce mercredi à Montréal, est justement l’occasion de découvrir les tendances de l’heure en matière de goûts et d’innovations.

L’évènement n’est toutefois pas accessible au grand public. Il s’adresse aux professionnels du secteur agroalimentaire qui veulent vendre ou acheter la prochaine nouveauté qui fera un tabac ou simplement s’inspirer.

Comme il est toujours intéressant de savoir ce que l’avenir nous réserve, j’ai demandé à l’experte en alimentation Isabelle Marquis de me parler des produits les plus prometteurs de l’année. À titre de coprésidente du concours organisé par le SIAL pour récompenser l’innovation, elle a pu goûter en primeur aux nouveautés imaginées aux quatre coins du monde.

Cette année, 200 produits provenant de 13 pays ont été soumis aux juges.

Des flocons de poivre de Kampot fermenté et lyophilisé, des miels contenant de la purée de fruits, des sorbets à la bière, des kits surgelés pour faire soi-même ses sushis, des cajous au Bloody Mary, des soupes asiatiques surgelées sous vide. Et même une bouteille en carton, car les emballages inédits peuvent aussi poser leur candidature.

Ce qui est exceptionnel, cette année, c’est que cinq des dix finalistes sont du Québec. Et ce n’est pas arrangé avec le gars des vues. « Il n’y a pas eu de favoritisme », jure Isabelle Marquis. Il faut quand même dire que beaucoup de promotion a été faite, dans la province, pour stimuler le nombre de candidatures. Mais nos entreprises ont su se démarquer grâce à « leur sens du détail et leur créativité particulièrement aiguisée ».

PHOTO FOURNIE PAR LE SIAL

Isabelle Marquis, coprésidente du jury canadien SIAL Innovation 2024 et stratège senior en alimentation

Un exemple : les canettes de Sorbière, un mélange original de purée de fruits et de bière de microbrasserie imaginé par deux PME de l’Estrie, Boquébière et SAVO, producteur de gelato et de sorbets. Le défi technologique de faire geler de l’alcool a été relevé, ce qui donne une texture spongieuse et un produit jamais vu, raconte Isabelle Marquis qui s’attend à un buzz autour des piscines, à l’été.

Le développement durable fait partie des quelques tendances que les entreprises tentent de mettre de l’avant dans leurs produits. Plusieurs cherchent à réduire le gaspillage, à utiliser des emballages plus verts, à améliorer la durée de conservation des aliments.

D’autres visent à réduire l’impact du transport en proposant des concentrés, par définition moins volumineux. Le consommateur sera-t-il au rendez-vous ? Campbell’s a été un précurseur il y a quelques années en lançant une gamme de bouillons liquides et concentrés à diluer. À ce jour, ses petits contenants de 250 millilitres n’ont pas remplacé le format habituel de 900 ml. Ils se côtoient sur les tablettes des supermarchés.

Le jury a aussi reçu de nombreux aliments vantant leurs vertus pour la santé grâce à l’ajout de « végétaux aux attributs fonctionnels ». Des poudres, dont celle de maca, sont incorporées à des recettes pour en accroître l’apport en vitamines et minéraux.

Ce n’est pas vraiment original comparativement aux préparations pour gâteaux de Bela Peko, une entreprise québécoise faisant partie des dix finalistes. Ses desserts contiennent un sachet de purée de légumes à incorporer à la pâte. Betteraves, panais, patate douce…

C’est vraiment gourmand. Les légumes ajoutent de la texture. C’est savoureux. On n’a pas l’impression de brouter du gazon.

Isabelle Marquis

Cette innovation qui améliore la valeur nutritive des gâteaux n’est cependant pas donnée. Les mélanges se vendent environ 10 $ pièce. Le prix de détail n’est pas un facteur dont les juges du concours tiennent compte. Mais force est de constater que le moment n’est pas forcément idéal pour mettre en marché des aliments plus coûteux après deux ans de forte inflation. Les innovations doivent être plus pertinentes que jamais, et leurs bénéfices évidents.

Cela dit, les succès qui s’imposent sont toujours rares, malgré des mois de travail – entre 12 et 18 généralement – et des investissements colossaux.

Les nouveautés créent parfois un engouement temporaire, mais 85 % ne restent pas sur les tablettes plus d’un an, selon NielsenIQ. « L’essentiel de ce qu’on achète, c’est ce qu’on achète tout le temps. On reste très conservateurs, malgré notre curiosité. C’est très ironique », explique Isabelle Marquis.

L’épicerie en ligne pose un défi supplémentaire, car les consommateurs ne sont pas exposés aux nouveautés sur les tablettes. Certains diront que c’est une bonne chose, que ça tempère les achats impulsifs d’aliments transformés non essentiels. C’est une façon de voir les choses, mais je préfère parcourir les allées des supermarchés pour tomber sur de nouvelles saveurs à découvrir et des produits déconcertants comme le mélange à crêpes Magiciel et gomme balloune. Il me fait sourire à tout coup.