Si une entreprise incarne parfaitement le concept de commercialisme, c’est bien Walmart. La méga-entreprise établie à Bentonville, aux États-Unis, avec ses plus de 400 magasins au Canada, est devenue le véritable symbole du commerce de masse. Importer au plus bas prix, à tout prix, telle est la devise de Walmart. Sa logistique est tellement efficace que l’ouverture d’un magasin peut parfois entraîner un effet déflationniste sur son marché immédiat, contrastant totalement avec les valeurs du local, du terroir et de la simplicité.

Cependant, dans un contraste frappant, les Fermes Lufa, l’une des plus grandes fermes urbaines et l’un des plus grands exploitants de serres sur toit en Amérique du Nord, ont ouvert une cinquième serre sur le toit d’un Walmart au Marché central. Un Walmart. Voir ces deux entreprises se voisiner, fait à première vue surprenant et même dérangeant pour certains, unit les fermes Lufa, symbole de la production locale, naturelle et sans pesticides synthétiques en milieu urbain, avec le géant souvent accusé de nuire au commerce local.

La serre de 126 000 pieds carrés, où sont cultivés concombres et poivrons, utilise une technologie de pointe provenant des Pays-Bas, permettant à l’entreprise de produire avec 40 % plus d’efficacité. L’objectif est de produire plus à moindre coût tout en maintenant les valeurs de qualité et de production locale pour satisfaire les quelque 68 000 abonnés que la société a déjà.

Comme toute entreprise, les Fermes Lufa visent à augmenter leur chiffre d’affaires et à étendre leur marché. Avec désormais plus de 560 000 pieds carrés de serres, la capacité de production des Fermes Lufa atteint un niveau intéressant. L’entreprise envisage même de vendre ses produits à son voisin occasionnel, Walmart, consolidant ainsi une alliance inattendue. Mais pour Lufa, il y a toujours plus à accomplir.

Commander aux Fermes Lufa est un jeu d’enfant : passez votre commande en ligne et recevez vos aliments en quelques jours. Pendant trois jours après l’achat en ligne, vous pouvez même modifier votre commande si vos besoins changent. Le producteur livre partout, jusqu’à 250 kilomètres de Montréal.

L’inflation a certes contraint de nombreux clients à revoir leur budget alimentaire et à modifier leurs habitudes d’achat. Cependant, le paysage alimentaire a beaucoup évolué, ce qui pourrait avantager l’entreprise à long terme.

D’abord, il y a une volonté croissante chez les consommateurs de favoriser le local pour réduire leur impact négatif sur l’environnement. Avec les fluctuations de prix et les changements climatiques qui bouleversent la planète, une production localisée comme celle du producteur montréalais est avantagée.

Les prix chez Lufa sont légèrement plus élevés que ceux des produits moins chers sur le marché, ce qui est logique compte tenu de la nature de production de niche et de moindre envergure par rapport aux vastes champs de Californie ou d’Arizona. Mais c’est de moins en moins le cas.

Il est important de noter que les prix de tous les produits ont augmenté au cours des quatre dernières années, et surtout au cours des deux dernières.

Les prix des fruits et légumes ont augmenté en moyenne de 32 % au Canada au cours des quatre dernières années. Bien qu’il ne soit pas possible de connaître l’augmentation exacte des prix des Fermes Lufa, elle n’est certainement pas de 32 %. D’ailleurs, nos rapports préliminaires sur les marchés publics suggèrent que les prix dans ces marchés ont augmenté d’environ 15 % en moyenne. Autrement dit, l’écart entre les produits traditionnels et les produits de spécialité s’est réduit au cours des dernières années.

Une étude récente publiée dans le Journal of Hunger and Environmental Nutrition cette année montre que les petits producteurs peuvent être une option intéressante, même pour les personnes à budget restreint. Selon l’étude, les prix étaient généralement plus élevés chez les petits producteurs que dans les épiceries, mais il y avait des exceptions.

Gérer une entreprise comme les Fermes Lufa, avec ses quelque 600 employés et un marché couvert plus vaste que celui de la Suisse, n’est pas une mince affaire, mais le contexte macroéconomique actuel pourrait être favorable pour elle.

Enfin, la synergie entre l’entreprise montréalaise et Walmart démontre que la cohabitation entre différents modèles d’affaires est non seulement possible, mais peut aussi être fructueuse.