La démission de la première ministre de Nouvelle-Zélande, Jacinda Ardern, m’a ému.

C’est venu me chercher, en pensant aux femmes avec qui j’ai fait de la politique. Les collègues avec qui j’ai partagé le quotidien, les petites misères de ce métier débile.

La candeur et la transparence de Mme Ardern sont admirables. Il faut l’en remercier.

Je ne me souviens pas d’une femme politique – ou d’un homme – à un poste si élevé, expliquant avec autant d’authenticité qu’elle était vidée et que c’en était assez.

Espérons qu’elle ouvre une porte, et en aidera d’autres à oser partir avec la même franchise, sans faux-fuyant. Il n’y a pas de honte à être à bout.

La lucidité de la réflexion et la clarté des explications aident également à éliminer les rumeurs insidieuses. Par exemple, celles trop entendues venant du boys club politique, s’agissant surtout des femmes, et pas mal moins des messieurs.

Parce qu’aussi, il n’est pas très normal de partir, semble-t-il. C’est vrai que généralement, les politiciens se font plutôt « quitter » par leurs électeurs, ou partent quand ils savent que c’est le sort qui les attend.

Les femmes en politique sont remarquables de résilience. En tout cas, celles avec qui j’ai travaillé. Particulièrement celles qui ont des enfants. Bien sûr, cela vaut pour toutes les femmes, dans tous les métiers, qui suent à concilier travail et famille.

Pour celles qui sont en couple, et malgré les bonnes intentions, pas sûr que les tâches soient autant réparties, et la charge mentale également distribuée. Et qui y laisse le plus d’énergie, croyez-vous ? Et je n’ai pas été un exemple…

Combien de femmes se voient responsables ultimes des enfants, responsables ultimes des parents qui vieillissent, etc. Ça ne devrait pas, et ça pèse.

Pour les politiciennes mères célibataires, évidemment, ces complications se multiplient.

Il va sans dire que cela concerne également les conjointes des politiciens.

D’autre part, je me suis beaucoup fié au jugement raffiné de mes collègues élues dans ma carrière.

En plus de leurs compétences dans les dossiers, ces femmes y ajoutaient l’instinct sensible et généreux pour voir au-delà, distinguer les conséquences de nos gestes sur l’humain, et éviter tellement d’erreurs.

Nous, les gars, avons tendance à tourner souvent les coins ronds.

Ne voyez aucun paternalisme dans mes propos, j’en parle dans la perspective de mon expérience de maire, de chef d’équipe.

Et ne mentons pas, les femmes en politique sont encore traitées injustement par rapport à l’autre sexe. Moi, maire, ce qui était une colère aurait pu devenir une crise pour une collègue. De l’impatience, l’aube d’un burn out… J’exagère, mais pas tant.

Clin d’œil. Je me suis déjà présenté devant les caméras avec d’autres élus dépeignés, aux habits fripés. Imaginez les titres si une femme avait eu la même tenue…

Par ailleurs, la grandiloquence musclée peut faire effet, pour un temps, mais à la longue, ça exaspère. Et j’ai péché dans le genre. La population n’est pas folle à temps plein, elle a de l’instinct pour détecter la virilité patentée.

Visionnez cet extrait de comportement apocalyptique pour rigoler⁠1.

Heureusement, les femmes avec qui j’ai pratiqué ce métier ont choisi de ne pas se dénaturer. Elles ont allié l’intelligence et le cœur, comme meilleur gage de réussite. Judicieux.

Revenons sur l’impact des réseaux sociaux, on a l’impression de radoter, mais cela est nécessaire. Je vous réfère à l’excellent article d’Axios à ce sujet⁠2.

On y écrit que les attaques sur les femmes politiciennes sont plus nombreuses, et vicieuses.

Celles-ci viennent pour l’immense majorité de pauvres connards, des pleutres au cube qui se découvrent du courage dans l’anonymat. Dans l’ombre, ils deviennent soudainement de simili-Tarzans, avec des gonades si proéminentes qu’ils ne se voient pas le bout des pieds sous le clavier. Pathétique.

Ça m’a fait du bien…

Mais sachez que malgré l’apparente indifférence, à la longue, ces agressions jouent dans la tête, et minent l’inconscient.

Il y a de quoi virer fou de constater l’hystérie, en Finlande, lorsque la première ministre Sanna Marin a été vue en photo en train de danser et de s’éclater dans un party privé.

On aurait probablement dit d’un homme qu’il relaxait, qu’il lâchait son fou, et tant mieux pour lui. Le pire, c’est qu’elle a accepté de se soumettre à un test pour prouver qu’elle n’était pas droguée.

« Ma gang de malades », comme le chante Daniel Boucher. Mais la version méchante.

Et puis, on le sait, toutes les femmes doivent faire face aux préjugés machos de certains de leurs propres collègues mâles. Bien que très rarement en 14 ans, j’ai dû raplomber les idées d’une couple qui regardaient de haut leurs collègues féminines.

Le pouvoir, c’est pas fait pour tout le monde…

Et finalement, Mme Ardern a dû gérer la pandémie, ainsi que la tuerie de 51 personnes dans deux mosquées de Christchurch en 2019.

J’ai vécu les deux, avec beaucoup moins d’ampleur et de responsabilités à mon niveau. Mais je peux m’imaginer facilement l’espèce de lassitude avec laquelle elle a dû composer dans les mois qui ont suivi ces épisodes.

Il faut espérer que l’humanité de Mme Ardern permettra aux femmes et aux hommes politiques de se donner une plus grande marge d’erreur, de se permettre de partir pour les bonnes, les vraies raisons, et de l’exprimer ainsi.

Et, souhaitons-le, aidera à progresser plus rapidement vers ce qui urge, la parité totale hommes-femmes en politique.

1. Regardez Jacques Gourde aux Communes 2. Lisez le texte d’Axios (en anglais)

Entre nous

Je dois rectifier mon erreur de la semaine dernière.

La fête de la circoncision du Christ, ou du saint Prépuce, le 1er janvier, ça n’existe plus. Je croyais qu’elle se fêtait encore chez les juifs orthodoxes.

Alors je m’excuse auprès des exégètes, et du petit Jésus lui-même.