Il est de bon ton, dans certaines chapelles au Québec, de charger à l’excès les États-Unis de tous les vices géopolitiques, une analyse filtrée à l’antiaméricanisme.

Posture un tantinet faux cul.

Malgré les énormes défauts que j’impute à ce pays, comme beaucoup de monde, je n’ai heureusement jamais été atteint par ce virus anti.

Et un peu poltron, ce sentiment, sachant que nos voisins seraient les premiers à nous défendre si on touchait à un seul de nos cheveux. Ils seraient chez nous à deux heures d’avis…

Oui, j’ai bien saisi que notre protection permanente s’explique pour beaucoup par l’insolence des Américains, aux yeux de qui, d’une certaine façon, nous ne sommes pas vraiment un pays distinct, mais faisons partie de l’Amérique.

America, le terme qui les met en transe.

Mais force est de constater que sans l’intervention américaine pour armer l’Ukraine, ce pays serait déjà à genoux, défoncé par la Russie, ou « dénazifié », comme le prétend si ignoblement Vladimir Vladimirovitch Poutine.

J’analysais, mercredi encore, les « Données de suivi de l’assistance en Ukraine » du Kiel Institute for the World Economy1 qui comptabilise l’aide fournie par les différents pays du monde à l’Ukraine depuis le début de la guerre, jusqu’au 20 novembre dernier.

La première conclusion, grosse comme un autobus, c’est que les USA, jusqu’à tout récemment, s’étaient engagés financièrement envers l’Ukraine plus que pratiquement l’ensemble de tous les pays du monde. On parle d’aide militaire, financière et humanitaire.

En aide militaire, ils sont pratiquement seuls, à 23 milliards d’euros, suivis de très, très loin par le Royaume-Uni, à 4 milliards.

Un engagement additionnel récent de l’Union européenne faisait passer cette institution et l’ensemble de ses pays membres à près de 52 milliards d’euros engagés au total, légèrement devant les USA, à un peu moins de 48 milliards.

Mais les données excluent de toute évidence l’aide additionnelle incluse dans le dernier budget américain voté à la fin de décembre, ce qui ramènerait les États-Unis, de loin, au rang du premier bienfaiteur de l’Ukraine.

La part du Canada, elle, est comptabilisée à 2,14 milliards d’euros. Pas trop gênant.

Et ce sont de braves voisins comme les pays baltes, la Pologne et la République tchèque qui ont contribué le plus en pourcentage de leur PIB, entre 1 et 1,5 %, ce qui inclut les coûts d’accueil des réfugiés. Remarquable.

Donc, peu importe ce qu’on pense des « Amaricains », ce sont eux qui décaissent.

Je sais aussi très bien que tous ces investissements des USA, pour infliger une défaite grave à la Russie, leur coûteront peut-être moins cher qu’investir en moyens de défense, ou d’attaque, à long terme, pour la contrer ou la défier.

On pourra aussi prétendre qu’il serait ainsi payant pour eux de continuer à exercer leur hégémonie sur la planète. Mais cela deviendra moins facile avec la force actuelle de la Chine, l’Inde qui prend du tonus, et la présence de la zone euro.

Même s’il semble faiblard pour bien des gens, dont l’auteur de cette chronique, il faut saluer l’expérience des affaires internationales et le cran du président Joe Biden dans ce conflit.

Je n’ose pas imaginer un Trump aux commandes dans cette situation. Misère !

La faible riposte des Occidentaux n’a pas fait peur à la Russie lors de son attaque contre la Géorgie, l’annexion de la Crimée, et la guerre dans le Donbass des dernières années. Sans compter son action au côté du président Bachar al-Assad en Syrie, où elle a participé au massacre de Syriens.

Biden a eu ce courage-là, de dire que ça suffisait. Sans son action, les pays européens, pris par les couilles comme gros consommateurs de combustibles fossiles russes, ne se seraient peut-être pas fédérés ni n’auraient réussi l’entente actuelle sur un prix plafond du baril à payer aux Russes et sur la diversification des sources d’approvisionnement.

Consensus qui tient jusqu’à nouvel ordre, mais on verra, des bras ont été tordus fort pour y arriver, avec des exceptions…

Dans un autre ordre d’idées, mais dans la même veine, chez les essayistes, la mode est aux livres noirs.

Ainsi, Le livre noir de Vladimir Poutine2.

Moi qui croyais que ça suffisait, que j’avais assez lu sur le gars. Hé non ! J’ai succombé, encore une fois, et le bouquin est très, très bon !

Je me permets d’en sortir une couple de paragraphes, pour foutre le bordel dans les discussions avec certains de mes amis, sur la notion de nationalisme à l’ère des communautés métissées.

Décrivant et qualifiant des propos de Poutine sur l’Ukraine, deux des auteurs, Mykola Riabtchouk et Iryna Dmytrychyn, y écrivent ceci :

« Sa diatribe s’articulait autour d’un mensonge fondamental passé souvent inaperçu : une notion archaïque, datant du XIXe siècle, définissant la nation comme communauté unie par une ethnicité, une langue et une religion communes, ainsi qu’un passé fortement mythifié, plutôt que par la culture politique, la loyauté civique, l’égalité des droits et une vision partagée de l’avenir commun.

« L’Ukraine ne correspondait pas à ce modèle archaïque, puisqu’elle était engagée, dès le début, dans une construction laborieuse de la nation politique où la langue, l’ethnie ou la religion jouaient un rôle secondaire et n’étaient pas considérées comme les déterminants clés de la loyauté et du comportement civique. »

Aïe, aïe, aïe ! Ça va brasser au prochain souper !

1. Consultez L’outil de suivi du soutien à l’Ukraine du Kiel Institute for the World Economy (en anglais) 2. Découvrez Le livre noir de Vladimir Poutine

Entre nous

Avouez qu’on n’est pas vraiment tenté de transmettre à Vladimir des vœux de bonne santé pour 2023…

À ta santé ! Za vashé zdovorie, mon Vlad !

Et que Saint-Josaphat, patron des catholiques de l’Ukraine – je ne me fie qu’à lui – fasse que tu t’étouffes avec ta vodka !

Je vous épargne la version en caractères cyrilliques.

J’en profite pour vous souhaiter de nouveau une bonne année 2023, et vous remercier de me lire, vous dire l’immense privilège !