Le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a exprimé le souhait de la tenue d’une conférence internationale sous l’égide de l’Organisation des Nations unies (ONU), d’ici la fin de février. Il verrait son secrétaire général, António Guterres, comme médiateur entre son pays et la Russie.

Il a cependant ajouté que la Russie devrait préalablement être poursuivie pour crimes de guerre. Dans la foulée, il veut aussi que la Russie perde son siège au Conseil de sécurité. L’ambassade de Russie à l’ONU a eu tôt fait de rejeter ces propositions.

À première vue, elles semblent irréalistes dans le contexte de l’intensité actuelle du conflit. Il n’y a pourtant pas une autre organisation internationale mieux placée que les Nations unies pour tenter d’amener les parties à la table des négociations. L’ONU est déjà engagée à de nombreux niveaux en Ukraine par l’entremise de ses agences : aide humanitaire, protection des réfugiés, sécurisation des centrales nucléaires ukrainiennes.

En outre, il y a quelques mois, le secrétaire général des Nations unies avait obtenu un accord permettant les exportations de blé ukrainien, évitant ainsi une crise alimentaire dans de nombreux pays.

À ce stade, on peut difficilement imaginer la fin des combats alors que les belligérants se disent convaincus de la victoire ultime.

Le président de la Russie, Vladimir Poutine, a besoin de gains militaires alors que sa campagne pour prendre Kyiv et faire tomber le gouvernement de Volodymyr Zelensky est un échec. Les Ukrainiens sont motivés et reçoivent l’appui généreux d’une bonne partie de la communauté internationale. Ils se sont révélés de formidables combattants et reprennent graduellement du terrain. Ils espèrent une conquête totale, y compris la Crimée.

À moins d’un écroulement peu probable des forces russes ou ukrainiennes, la fatigue des armées et des populations ainsi que les difficultés économiques devraient néanmoins les pousser un jour ou l’autre à vouloir négocier. Leurs alliés respectifs joueront sans doute un rôle incitatif.

Le chemin menant aux négociations s’annonce long et compliqué. Les questions territoriales, les réparations de guerre et les exactions du droit humanitaire et de la guerre en seront les principaux enjeux.

La sécurité européenne devra aussi être à l’ordre du jour. De même que les sanctions politiques et économiques adoptées par de nombreux pays contre la Russie.

Le rôle de l’ONU

Les Nations unies possèdent l’expérience et la crédibilité nécessaires ainsi que la neutralité essentielle pour encourager et mettre en place un éventuel processus de paix.

Le problème majeur est la présence au Conseil de sécurité de la Russie qui, en utilisant son droit de veto, peut bloquer toute résolution ou démarche qu’elle juge inacceptable. La Chine pourrait faire de même. Il faudra donc que différents acteurs de la communauté internationale soient aussi impliqués.

On peut envisager qu’un règlement de paix puisse d’abord inclure l’établissement et le maintien d’un cessez-le-feu, l’organisation de référendums, la création de zones démilitarisées, sinon la création de forces de paix. Certaines de ces mesures pourraient relever de l’ONU, avec l’assentiment de Moscou, d’autres d’une coalition volontaire de pays. L’Ukraine voudra des membres de l’OTAN.

Il y a déjà un exemple utile, celui de la Force multinationale et observateurs (MFO en anglais) qui vérifie l’application dans le Sinaï des accords de Camp David entre Israël et l’Égypte. Elle n’est pas onusienne mais se compose d’un groupe de pays acceptés par les deux parties au traité, dont le Canada d’ailleurs.

La question de la fin des sanctions politiques et économiques contre Moscou relèvera des pays qui les ont imposées dans le contexte du G7 ou de l’Union européenne.

Des exemples du passé

L’ONU a déjà géré le long mandat d’une Commission d’indemnisation des dommages causés par l’invasion du Koweït par l’Irak de Saddam Hussein en 1990. C’est une somme de 50 milliards de dollars qui a été récupérée par le Koweït. Un modèle en matière de réconciliation duquel on pourrait s’inspirer dans le cas de la Russie.

Apparemment, l’Union européenne travaillerait déjà à la création d’un tribunal spécial pour juger des crimes de guerre. La Russie fera évidemment tout pour bloquer une éventuelle implication des Nations unies dans ce dossier.

L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) basée à Vienne, experte sur les questions de droits de la personne, de la supervision d’élections et du contrôle des armements, devrait aussi être mise à contribution dans une perspective post-conflictuelle.

Les diplomates peuvent faire preuve d’imagination et leur patrons politiques de réalisme quand vient le temps de mettre un terme à un conflit majeur et dangereux pour la stabilité internationale.

L’homme d’État canadien Lester B. Pearson avait lancé une initiative originale à la suite de la crise du canal de Suez de 1956 avec les premiers Casques bleus des Nations unies. Il a prouvé que même si le défi apparaît immense, la paix et les moyens de la maintenir sont possibles.

Il faut d’abord que les parties au conflit acceptent de négocier. Ce n’est évidemment pas encore le cas, malheureusement, mais cette échéance est inéluctable. Nous devons nous y préparer et cela inclut notre gouvernement à Ottawa.

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