Un nombre croissant d’Israéliens s’inquiètent, à juste titre, de l’évolution politico-sociale en Israël, avec l’avènement d’un gouvernement d’ultra-extrême droite. Il faudrait en fait trouver un nouveau terme pour décrire le monstre auquel Benyamin Nétanyahou a donné le jour, car être de droite ne constitue pas un crime, tandis que le nouveau gouvernement israélien inclut des personnes qui, dans n’importe quel autre pays démocratique, seraient en prison.

D’ailleurs, une des premières mesures qui vont être prises sera la réhabilitation des candidats à l’élection à la Knesset (le Parlement israélien) reconnus coupables de racisme. C’est évidemment Itamar Ben-Gvir (évoqué il y a quelques semaines) qui est derrière cette initiative.

La situation déjà intolérable pour les Palestiniens en Cisjordanie, mieux connue sous le terme Territoires palestiniens occupés (TPO), va devenir pire encore.

Nétanyahou a annoncé l’expansion massive de la colonisation, au grand bonheur du prochain ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, du parti Sionisme religieux, qui a toujours prôné l’annexion de vastes territoires dans les TPO, l’accélération massive de leur colonisation, la légalisation des constructions commencées par des Israéliens dans le secteur, et surtout la démolition des masures construites par des Palestiniens dans la zone le long du Jourdain, sous contrôle d’Israël pour des raisons de sécurité… comme si Israël, pays le plus puissant de la région, avait à craindre pour sa sécurité, alors qu’il contrôlait tous les accès à son territoire.

Pour assurer sa mainmise, Smotrich compte bien accaparer le rôle de coordinateur des activités du gouvernement dans les territoires (unité connue sous l’acronyme COGAT), qui détermine tout ce qui touche l’administration civile dans les territoires.

PHOTO GIL COHEN-MAGEN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich

Le premier ministre Nétanyahou et son ministre de la Défense conserveront un droit de regard sur les dimensions sécuritaires, ce qui est loin d’être un contrepoids aux pouvoirs administratifs de Smotrich, d’autant plus que Nétanyahou, à part deux déclarations forcées par Obama, a toujours rejeté le principe de la création d’un État palestinien.

De fait, dans la longue histoire des pseudo-négociations israélo-palestiniennes, seulement deux d’entre elles – Clinton-Barak (2000) et Olmert-Abbas (2008) – ont véritablement mis l’option des deux États sur la table. La solution de « deux États indépendants vivant côte à côte en paix » est un mythe façonné par la communauté internationale, assorti d’innombrables résolutions onusiennes jamais appliquées en raison du veto américain ou simplement ignorées par Israël même si les résolutions émises par le Conseil de sécurité de l’ONU ont un caractère obligatoire/exécutoire en droit international. C’est un fait qu’Israël n’a jamais reconnu ces votes.

Ariel Sharon, premier ministre d’Israël de 2001 à 2005, tristement célèbre pour avoir ignoré le massacre de Palestiniens – hommes, femmes et enfants – à Sabra et Chatila, fut le premier à dire que l’occupation de la Cisjordanie était légale et légitime, comme si la guerre de 1967, déclenchée par Israël en réponse aux rodomontades de Gamal Abdel Nasser, permettait toutes les exactions au détriment des Palestiniens.

Mais les résultats de l’élection israélienne, légitimes dans leur acception et la mécanique électorale israélienne, marqués par des chiffres pratiquement égaux entre les deux clans, reposent sur les fondements de l’identitaire, tant juif que sioniste.

Plus inquiétante pour Israël à long terme est la réaction des Juifs à l’extérieur d’Israël, notamment aux États-Unis, dont une partie croissante ne se reconnaît plus dans cette mouvance presque fascisante.

Cette question va largement au-delà de la question palestinienne, même si celle-ci sera la première à souffrir. En effet, le sionisme religieux, à la fois parti et idéologie, ne remet pas seulement en cause la solution à deux États pour la Palestine, mais veut littéralement rejeter les Palestiniens de Cisjordanie au-delà du Jourdain.

En outre, il s’attaque à la communauté LGBT et remet en cause les valeurs fondamentales qui ont fait d’Israël, en dehors de la question palestinienne, un État parent proche des valeurs et idéaux occidentaux.

C’est le judaïsme qui est en cause, comme l’a écrit merveilleusement Avi Dabush, directeur de l’organisation Rabbis for Human Rights, dans le Times of Israel. Évoquant la nécessité de redéfinir l’identité juive et sioniste, il a cité la Torah : « Vous connaissez l’âme de l’étranger, car vous étiez étrangers dans la terre d’Égypte », avant de dénoncer l’occupation en Cisjordanie : « Les leaders qui parlent de Dieu et de Sion nous font avaler les fruits amers de l’occupation tout en écrasant l’infrastructure partagée de la vie, seul fondement en mesure d’assurer la prospérité de cette Terre qui nous est chère. »

Heureusement qu’il en est qui nous permettent d’espérer… pas des voix dans le désert.

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