Si le plan de match en architecture et en aménagement du territoire déposé lundi par le gouvernement Legault avait été présenté il y a 10 ans, on l’aurait qualifié d’audacieux.

Aujourd’hui, il est à peine suffisant.

Le Québec fait face à deux crises majeures, deux crises parfaitement résumées dans une photo publiée lundi dans La Presse : celle de deux hommes masqués à cause de la fumée qui transportaient une boîte de carton dans un escalier. La crise climatique et la crise du logement réunies en une seule et même image.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Deux hommes masqués en raison de la mauvaise qualité de l'air transportent une boîte de carton dans un escalier.

Face à l’urgence de la situation, on s’attend à une réponse forte des pouvoirs publics.

Le gouvernement caquiste n’a pas été capable de répondre adéquatement à la crise du logement, mais il a le mérite d’avoir dépoussiéré une politique d’aménagement du territoire vieille de 43 ans. Sa vision pose les bons diagnostics. Résumés grossièrement, les défis sont les suivants : freiner l’étalement urbain, protéger la biodiversité, densifier, construire des logements qui correspondent aux besoins démographiques (moins de grosses maisons énergivores, plus de condos et de logements), favoriser le développement des transports collectifs. Et faire en sorte que tout cela soit beau.

Près d’un demi-siècle sans aucune vision de l’aménagement du territoire et de l’architecture, ça laisse des traces. La ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, et le ministre de la Culture, Mathieu Lacombe, parents du nouveau plan de mise en œuvre, semblent en être conscients. Le problème, c’est qu’on ne leur donne pas les moyens de leurs ambitions.

Les infrastructures des villes sont en piteux état, plusieurs municipalités manquent d’eau, nos villes sont encore trop dépendantes de l’auto et on sacrifie trop souvent la nature en faveur du développement.

Or, avec une enveloppe de 360 millions de dollars sur quatre ans, on se demande comment ils pourront donner le coup de barre qui s’impose.

Leur plan comporte plusieurs mesures intéressantes, à commencer par la mise sur pied, d’ici l’hiver 2024, d’un système de monitorage – accompagné d’indicateurs et de cibles – qui permettra de suivre les plans d’aménagement à la grandeur du Québec. Voilà un outil pertinent pour prendre des décisions éclairées.

Parmi les autres bonnes initiatives : la création d’une table de concertation en sécurité routière, des ajustements au régime fiscal (une consultation sera lancée dès l’automne prochain), un nouveau cadre en architecture, une meilleure conservation des milieux naturels et la mise sur pied de comités d’échange avec les Premières Nations.

La plus garde part de l’enveloppe de 360 millions (239 millions de dollars) ira aux MRC et aux municipalités pour mettre à jour leur plan climat. Les villes réclamaient 2 milliards, on imagine que d’autres sommes seront consenties lorsqu’on négociera un nouveau pacte fiscal.

De la même manière, il faut souhaiter que la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, accorde aux villes les moyens de développer les transports collectifs. On ne peut pas leur demander d’« aménager des milieux de vie favorisant la mobilité durable » sans argent pour y arriver. Avez-vous déjà essayé de vous déplacer en autobus d’une ville à l’autre sur la Rive-Sud ou dans la couronne nord ? Un vrai chemin de croix.

Si on veut se débarrasser de l’auto solo, il faut que ce gouvernement investisse moins dans les routes et davantage dans les transports publics.

Il y a aussi des zones floues dans ce plan. On dit par exemple vouloir « soutenir le développement économique et accroître la vitalité des territoires » dans le respect de leurs particularités, une formulation qui laisse beaucoup de place à l’interprétation.

La ministre des Affaires municipales a désormais le pouvoir d’interdire tout développement qui déroge à l’esprit de la nouvelle Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, adoptée à l’unanimité il y a deux semaines. Espérons qu’elle s’en prévaudra.

Le moment de vérité de ce plan aura véritablement lieu lorsque la ministre Laforest se heurtera aux visées de développement économique du premier ministre et de son ministre de l’Économie. Ou à la réforme annoncée de la Loi sur le territoire agricole.

C’est là qu’on saura si ce gouvernement est vraiment cohérent.

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