Rassurez-vous, il n’y a pas de trou dans le bas de laine des Québécois. Le Régime des rentes du Québec (RRQ) a assez d’argent pour assurer le paiement des rentes pour les 50 prochaines années.

Fin de la conversation ? Pas du tout ! Car les hypothèses derrière cette prévision rassurante peuvent changer. Quand on y regarde de plus près, il y a de fortes probabilités que le régime se retrouve sous le niveau requis au cours des 20 prochaines années, selon la dernière évaluation actuarielle du RRQ.

L’idée n’est pas d’être alarmiste, mais plutôt de profiter du fait que les choses vont bien pour réfléchir sereinement à un mécanisme d’ajustement efficace au cas où la santé du RRQ se détériorerait.

C’est ce que le ministre des Finances, Eric Girard, a eu la sagesse de faire en lançant le débat sur cet enjeu délicat, lors des consultations menées à la mi-février sur l’avenir du RRQ.

Jusqu’ici, c’est surtout sa proposition de reporter l’âge minimal pour recevoir sa rente, de 60 à 62 ans, qui a retenu l’attention. Jeudi dernier, le ministre a annoncé l’abandon de ce projet qui n’était pas nécessaire, comme nous l’avons déjà écrit1.

Par contre, il faut revoir la mécanique d’ajustement du RRQ pour ne pas accentuer son déficit intergénérationnel, déjà énorme.

D’où vient ce déficit ? Faisons un peu d’histoire…

À la création du RRQ en 1966, l’État voulait sortir les aînés de la pauvreté. Les retraités ont donc eu droit rapidement à une rente pleine et entière, même s’ils n’avaient pas cotisé durant toute leur carrière. Ce faisant, on a refilé la facture aux générations futures.

Par la suite, le gouvernement a toujours tardé avant de relever le taux de cotisation qui était trop faible dès le départ… et qui l’est devenu encore plus avec l’augmentation de l’espérance de vie, la baisse des rendements, la chute des naissances et la bonification des prestations de la RRQ.

Tout cela a pour effet que les travailleurs d’aujourd’hui versent des cotisations trois fois plus élevées (10,8 % de leur salaire pour le régime de base, assumé à parts égales avec l’employeur) que celles de leurs aînés qui n’ont payé que 3,6 % de leur salaire jusqu’en 1986.

Évidemment, on ne peut pas revenir en arrière. Mais dans le futur, il faudrait établir un mécanisme d’ajustement plus équitable. Ce n’est pas sorcier, il n’y a qu’à suivre l’exemple du Régime de pensions du Canada (RPC), le jumeau du RRQ ailleurs au Canada.

Depuis 1998, le RPC prévoit un partage des risques à parts égales entre les cotisants et les retraités. Si le régime est en déséquilibre, on le remet à flot en haussant à la fois les cotisations et en gelant l’indexation des rentes pour trois ans.

Au Québec, le risque retombe entièrement sur les cotisants. Autrement dit, c’est toujours aux jeunes de payer pour les pots cassés. D’où l’iniquité.

Mais chez nous, la rente est une vache sacrée. Pour plusieurs, toucher à l’indexation serait une hérésie qui ébranlerait la confiance de la population.

Pourtant, dans bien des pays comme le Japon, le Portugal, l’Italie, l’Allemagne ou encore la Suède, l’âge de la retraite ou le montant de la rente varient en fonction de l’espérance de vie et d’une série de facteurs économiques.

Au Canada, de plus en plus de régimes de retraite offerts par les employeurs reposent aussi sur le principe de partage du risque. Et cela ne contribue pas à l’appauvrissement des retraités, comme le soutiennent les détracteurs de ces « régimes à prestations cibles ».

À preuve, le régime des enseignants de l’Ontario (Teachers’) tient compte de toutes sortes de risques (inflation, longévité, rendement), ce qui ne l’empêche pas d’être un des plus généreux au pays.

Alors que Québec se penche sur l’avenir du RRQ, il serait temps de mettre en place un tel principe de partage des risques entre cotisants et bénéficiaires.

Et surtout, avant de bonifier à nouveau le régime, souvenons-nous qu’on n’a jamais rien pour rien. Chaque amélioration finira par coûter plus cher aux cotisants.

1. Lisez l’éditorial « Réformer la retraite, sans tordre de bras » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion