On manque de psychologues au Québec. Le système public craque de partout. Les besoins en santé mentale sont immenses.

Mais contre toute logique, la formation d’un psychologue est l’une des plus inaccessibles parmi toutes les professions universitaires. C’est au moins aussi difficile – et probablement plus difficile – de devenir psychologue que médecin de famille ou pharmacien au Québec.

Le système actuel est absurde pour la société et injuste pour les étudiants en psycho, démontre l’excellent reportage de notre collègue Louise Leduc.

Lisez « Déséquilibre en psychologie »

Depuis 2006, il faut un baccalauréat et un doctorat en psychologie pour devenir psychologue (avant, il fallait un bac et une maîtrise). Comme c’est le cas en Ontario et aux États-Unis. Jusqu’ici, ça va.

Le problème, c’est que le doctorat en psychologie est le programme le plus contingenté au Québec : pour cinq diplômés au bac en psycho, il y a seulement une place au doctorat. On répète : seulement 20 % des finissants au bac en psycho peuvent devenir psychologues (en étant admis au doctorat). C’est plus sévère que la médecine de famille, la pharmacie et le droit.

Actuellement, on remplit les auditoriums au bac en psycho en sachant que seulement un finissant sur cinq pourra devenir psychologue. C’est l’un des rares programmes où on contingente après trois ans à l’université, et non à l’entrée comme en médecine. Plusieurs universités exigent une moyenne minimale d’environ A- (3,5 ou 3,7 sur 4,3) seulement pour regarder un dossier.

Cette concurrence (trop) intense affecte la santé mentale des étudiants, qui n’en font jamais assez pour tenter de dénicher l’une des rares places au doctorat.

« Si tu n’as pas des A partout, tu pleures ta vie », résumait l’ex-ministre Hélène David, ancienne professeure en psychologie, à notre collègue Louise Leduc.

Tout ça alors qu’il manque des centaines de psychologues dans le réseau public québécois (140 selon le ministère de la Santé, mais un rapport prévoit qu’il en manquera 860 d’ici 2024).

La solution à notre pénurie de psychologues est simple : il faut en former davantage. Arrêter de restreindre autant l’accès à la profession.

Ce serait facile de désigner les universités comme seules coupables. Oui, c’est leur responsabilité de former des psychologues. Mais elles n’opèrent pas en vase clos.

Les universités dépendent des fonds de Québec pour engager des profs, doivent trouver des psychologues du réseau public pour agir comme superviseurs de stages et doivent arrimer leur formation avec les critères de l’Ordre des psychologues.

En réalité, les universités, Québec et l’Ordre détiennent chacun une partie de la solution. La nouvelle ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, doit réunir rapidement tout ce beau monde.

Québec doit donner des fonds supplémentaires aux universités pour engager davantage de professeurs en psychologie.

En contrepartie, avec ces fonds, les universités doivent admettre davantage d’étudiants au doctorat en psychologie clinique.

Il faut aussi faire le ménage dans le doctorat en psycho. Devenir psychologue prend au minimum sept ans d’études universitaires (trois ans de bac, quatre ans de doc), contre sept ans pour un médecin de famille et quatre ans pour un pharmacien. Même l’Ordre des psychologues reconnaît diplomatiquement que le programme pourrait « peut-être se faire plus rapidement ».

Traduction : le doctorat actuel est encore trop axé sur la recherche, alors qu’on devrait d’abord former des professionnels de la santé (comme en médecine et en pharmacie).

Québec devra aussi inciter les psychologues du réseau public à agir comme superviseurs de stages auprès de ces psychologues supplémentaires en devenir. Actuellement, certains étudiants rallongent leur doctorat, car ils ne trouvent pas de superviseurs.

Une réforme est urgente et nécessaire.

Pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre.

Et aussi par souci d’honnêteté avec les étudiants en psychologie.

En savoir plus
  • 2045
    Nombre de psychologues dans le réseau public québécois
    Source : ministère de la Santé et des services sociaux
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