Dans sa version 1.0, Patrick Roy était un gardien de but exceptionnel. 551 victoires. Quatre Coupes Stanley. Trois trophées Conn-Smythe et Georges-Vézina. Son leadership était vénéré. Sa confiance, inégalée.

Dans sa version 2.0, Patrick Roy était un entraîneur-chef talentueux. Dès sa première saison derrière le banc de l’Avalanche du Colorado, il a été élu coach de l’année dans la Ligue nationale. Il était intense. Très intense. Trop ? Peut-être. Son impulsivité et son désir de s’impliquer dans toutes les décisions hockey de l’organisation ont précipité son départ de Denver, avec les conséquences que l’on connaît. Pendant des années, les autres équipes s’en sont tenues loin.

Patrick Roy embauché par les Islanders Encore la filière des anciens du Canadien… Patrick Roy, l’entraîneur, en cinq dates
Le Canadien a hâte de revoir Patrick Roy

« Quand j’ai quitté le Colorado, je pensais que le téléphone allait sonner plus tôt. Ce ne fut pas le cas. J’ai compris que la façon dont j’avais quitté l’équipe n’était peut-être pas la bonne », a-t-il reconnu samedi.

Roy aurait pu se décourager. Quitter le hockey. Passer l’hiver en Floride, à peaufiner ses coups roulés et regarder des popsicles fondre. Ce n’est pas dans sa nature.

À 52 ans, il a préféré retourner faire ses preuves dans la LHJMQ, et incarner ces vers de Boileau.

Hâtez-vous lentement ; et, sans perdre courage, Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage.

Pourquoi ? Pour aller au bout de son ambition, et remporter une cinquième Coupe Stanley. Cette fois, comme entraîneur-chef.

« Je suis fier d’avoir pris le temps de retourner dans le junior. D’avoir travaillé avec ces joueurs. De m’être ressourcé. Je me suis assuré de rester à l’affût de la nouvelle culture. Les joueurs d’aujourd’hui sont différents de ceux de mon époque. Je suis heureux d’avoir fait cela, et d’avoir reçu cet appel. »

Qui était à l’autre bout du fil ?

Lou Lamoriello. Tanné de voir son équipe perdre, le grand patron des Islanders de New York souhaitait voir Patrick Roy remplacer Lane Lambert derrière le banc. « Patrick est la seule personne qui m’intéressait. » Roy, qui a quitté les Remparts de Québec l’été dernier, a accepté. « C’est une offre que je ne pouvais pas refuser. »

Ses cinq hivers dans la LHJMQ l’ont transformé.

Lorsque son nom a circulé pour le poste de directeur général du Canadien, en 2022, j’ai sondé certains de ses proches collaborateurs pour mieux connaître son style de gestion. Voici mes notes.

« C’est un gars d’équipe qui écoute et respecte l’opinion des autres. »

« Il aime se faire challenger, pourvu que tes arguments soient solides. »

« C’est lui qui tranche. Il assume le résultat, bon ou mauvais. »

C’est ça, la version 3.0 de Patrick Roy.

« [Entre le Colorado et maintenant], c’est le jour et la nuit », a expliqué le nouvel entraîneur-chef des Islanders, samedi. « La chose que j’ai surtout apprise, après une pause de deux ans, puis cinq saisons dans le junior, c’est de respecter encore plus le rôle d’entraîneur-chef. Arriver tôt à l’aréna. Travailler dur pour aider les joueurs avec des idées. Je veux vraiment établir [à New York] un partenariat avec les joueurs, comme nous le faisions au Colorado. Nous désirons que les joueurs adhèrent aux initiatives de l’équipe d’entraîneurs. Nous voulons les aider à atteindre leurs objectifs. »

PHOTO DARRYL DYCK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Victoire des Remparts de Québec à la Coupe Memorial en juin dernier

Ses méthodes lui ont souri dans le junior. Le printemps dernier, ses Remparts ont remporté le trophée Gilles-Courteau, et se sont qualifiés pour le tournoi de la Coupe Memorial. En finale, ils avaient rendez-vous avec les puissants Thunderbirds de Seattle, qui misaient sur 10 joueurs repêchés dans la LNH, et trois joueurs ayant de l’expérience chez les professionnels. Roy a géré son club de façon magistrale. Les Remparts ont gagné le championnat national, en écrasant les Thunderbirds 5-0.

À New York, l’objectif fixé par Lou Lamoriello est clair. Patrick Roy devra mener les Islanders jusqu’aux séries éliminatoires. C’est un très gros défi. Oui, samedi soir, l’équipe n’était qu’à deux petits points de la huitième place dans l’Association de l’Est. L’équivalent d’une seule victoire. Sauf que depuis quelques semaines, les Islanders ne gagnent vraiment pas souvent. Le club est en déroute. L’attaque est en panne. La défense est une passoire. Les unités spéciales en infériorité numérique n’ont absolument rien de spécial. Au contraire.

Patrick Roy dit avoir des idées pour relancer les Islanders. Il ne les a pas détaillées en conférence de presse, préférant les présenter d’abord à ses nouveaux joueurs. Ça va de soi.

Maintenant, s’il y a un entraîneur capable de recrinquer cette formation, c’est bien lui. Sa passion est contagieuse. Son éthique de travail, irréprochable. Sa persévérance ? Inspirante.

« Ma carrière n’a pas toujours été un conte de fées », a-t-il répondu à une question sur ses gardiens. « Plusieurs la perçoivent comme l’histoire de Cendrillon. Mais ce n’était pas ça. J’ai connu des hauts et des bas. Je peux aider [mes joueurs] avec l’aspect mental du jeu. »

Patrick Roy n’aura pas le temps de célébrer sa nomination bien longtemps. Pour replacer les Islanders sur le chemin des victoires, il devra réagir rapidement. Son club vient d’encaisser quatre défaites consécutives. Trois de ses quatre prochains matchs l’opposeront à des équipes d’élite : les Stars de Dallas ce dimanche, les Golden Knights de Vegas mardi, et les Panthers de la Floride samedi.

L’autre partie ?

Ce sera contre le Canadien.

Jeudi soir.

À Montréal.

L’enjeu sera grand. L’ambiance, électrique. L’affiche, formidable.

Un match à haute intensité comme Patrick Roy les a toujours aimés, et sur lesquels il a bâti sa légende.