L’être humain a inventé la roue. Le téléphone. L’avion. Il a développé l’internet. Il s’est même rendu jusqu’à la Lune. Et pourtant, malgré tous les progrès scientifiques, malgré toutes les connaissances accumulées, il n’a toujours pas créé le pantalon de baseball parfait.

Quiconque en a déjà porté un, dans le baseball amateur, vous le confirmera : pour le confort, on repassera. C’est soit trop ample, soit trop serré. Il pleut un peu ? Ça éponge l’eau. Il fait plus de 30 degrés ? L’intérieur du pantalon devient aussi humide qu’une forêt tropicale. Puis avez-vous déjà réussi à le garder blanc plus d’une semaine ? Eau de Javel, jus de citron, vinaigre, lait froid, bicarbonate de soude, rien ne vient à bout des traces de sable et de gazon.

Des problèmes de riches, j’en conviens.

La qualité des pantalons dans le baseball professionnel est assurément meilleure. Or, qu’a-t-on appris, la semaine dernière, lors de l’ouverture des camps d’entraînement des équipes ? Que les pantalons fournis par Nike, en vue de la nouvelle saison, seront… transparents.

Enfin, pas totalement. Mais suffisamment pour voir au travers. On peut distinguer un bas de chandail d’une culotte ou d’une coquille protectrice. Ce n’est pas flatteur. C’est malaisant. Quelques joueurs sont même devenus la source de moqueries sur les réseaux sociaux.

  • Salvador Pérez, des Royals de Kansas City

    PHOTO ASHLEY LANDIS, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

    Salvador Pérez, des Royals de Kansas City

  • Robbie Ray, des Giants de San Francisco

    PHOTO CAROLYN KASTER, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

    Robbie Ray, des Giants de San Francisco

  • Reid VanScoter, des Mariners de Seattle

    PHOTO LINDSEY WASSON, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

    Reid VanScoter, des Mariners de Seattle

  • Scott Barlow, des Guardians de Cleveland

    PHOTO TIRÉE DU COMPTE X D’ANDRE KNOTT

    Scott Barlow, des Guardians de Cleveland

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Sans surprise, c’est devenu LE sujet de conversation dans les ligues majeures. Plus encore que les débuts de Shohei Ohtani et de Yoshinobu Yamamoto, avec les Dodgers de Los Angeles. « C’est décevant que nous soyons arrivés à un point où les uniformes sont devenus le sujet de discussion [de l’heure] », a réagi le président de l’Association des joueurs, Tony Clark.

La rhétorique porte beaucoup sur la transparence des pantalons. C’est une conversation permanente.

Tony Clark, président de l’Association des joueurs

« Je peux voir ma main à travers [le pantalon] », s’est plaint le lanceur Nick Pivetta, des Red Sox de Boston. « Si je transpire et que je suis à la télévision, ce sera un gros problème. »

« Je n’avais rien noté jusqu’à ce que tout le monde se mette à en parler », a ajouté Bo Bichette, des Blue Jays de Toronto, au Washington Post. « Ensuite, j’ai remarqué qu’on pouvait voir mes cuisses à travers. C’est pour ça qu’on porte des sous-vêtements ! »

L’origine du problème ?

Nike aimerait bien le savoir.

Car ses pantalons de 2024 sont absolument identiques à ceux des dernières saisons.

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Les dirigeants des ligues majeures sont catégoriques. Rien n’a changé. « Les pantalons sont faits du même tissu et ils ont la même épaisseur que ceux utilisés la saison dernière », ont-ils précisé dans un communiqué. La ligue croit que la transparence est causée par l’éclairage dans les studios. Elle a aussi fourni aux journalistes des photos de studio des années précédentes, sur lesquelles on constate en effet une certaine transparence dans les pantalons.

N’empêche, maintenant que tout le monde l’a remarqué, c’est devenu un point de mire. Des joueurs sont incommodés. Embarrassés. Mal à l’aise. Trop capricieux ? Non. Leurs griefs sont légitimes. Ils ont le droit d’exercer leur métier sans que les téléspectateurs ne puissent noter la marque de leur coquille protectrice.

Il existe des précédents.

Dans le sport féminin, ça fait des années – voire des décennies – que les uniformes sont au cœur des discussions. Ce ne sont pas toutes les athlètes qui sont à l’aise de porter l’équivalent d’un maillot de bain, surtout quand leur sport ne nécessite pas de nager dans une piscine.

Aux Jeux olympiques de Tokyo, les gymnastes allemandes ont préféré porter un léotard qui couvrait leurs jambes jusqu’aux mollets. C’était permis. Par contre, le même été, des handballeuses de plage norvégiennes ont été mises à l’amende pour avoir remplacé le maillot par des shorts courts.

PHOTO GREGORY BULL, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

La gymnaste allemande Pauline Schaefer-Betz aux Jeux olympiques de Tokyo

Heureusement, les mentalités évoluent. Depuis 2022, les participantes du tournoi de tennis de Wimbledon ne sont plus obligées de porter des sous-vêtements blancs sous un uniforme blanc. Elles peuvent désormais mettre des culottes foncées, qui permettent de cacher les pertes de sang pendant leurs menstruations.

Entendons-nous, les pantalons de baseball – aussi transparents soient-ils – cachent mieux la peau des fesses qu’un léotard ou qu’une culotte de bikini. Or, cela ne discrédite pas pour autant le besoin d’intimité des baseballeurs. Les testicules de Casey Schmitt, des Giants de San Francisco, étaient bien en évidence sous son pantalon blanc dans une photo devenue virale, le week-end dernier, sur les réseaux sociaux.

La balle est dans la cour des équipementiers. Surtout celle de Nike, fournisseur officiel des équipes des ligues majeures. L’entreprise américaine est capable d’innover. Elle l’a prouvé dans plusieurs sports, notamment le baseball. Elle vient d’ailleurs de déployer de nouveaux chandails de baseball plus légers, plus extensibles et qui sèchent plus vite. Bon, ces maillots ne font pas l’unanimité. La qualité des écussons et le design du lettrage sont critiquables. Ça fait un peu cheap. « Je sais que tout le monde les déteste », a convenu l’arrêt-court des Phillies de Philadelphie Trea Turner, à l’agence Associated Press. Sauf que d’autres joueurs leur reconnaissent des qualités techniques.

PHOTO GERALD HERBERT, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le lettrage dans le dos des nouveaux uniformes des équipes des ligues majeures est critiqué par plusieurs joueurs.

« Les maillots de cette saison respirent mieux », a indiqué le receveur des Orioles de Baltimore Adley Rutschman dans un communiqué de la ligue. « L’air circule mieux. Ça fera une grosse différence lors des journées chaudes de l’été, lorsque je porterai tout mon matériel. » Les vedettes Ronald Acuña, des Braves d’Atlanta, et Nolan Arenado, des Cardinals de St. Louis, ont aussi appuyé l’initiative.

« Nous mettons toujours l’athlète au cœur de toutes nos réalisations, s’est défendu Nike. La qualité et la performance de nos produits sont de la plus haute importance pour nous. Nous continuerons à travailler avec la ligue, les joueurs et notre fabricant pour résoudre le problème des uniformes. »

Dans les crises naissent les occasions. Souhaitons que le rififi des derniers jours permette le développement du pantalon de baseball parfait dans un horizon raisonnable.

Avant la conquête de la planète Mars, s’il vous plaît.