Le 31 octobre, un pipeline appartenant à la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) a explosé en Alabama, tuant un travailleur et provoquant le déversement d'au moins 1,2 million de litres de pétrole.

Au moment d'écrire ces lignes, l'incendie n'était toujours pas maîtrisé, et le gouverneur de l'Alabama avait déclaré l'état d'urgence. Cet événement tragique vient rappeler brutalement aux Québécois que leur bas de laine possède toujours des actifs dans le secteur des combustibles fossiles. Cette situation n'est plus tolérable.

Nous écrivons au nom de 42 500 signataires du Manifeste pour un élan global et de 32 000 membres du syndicat de l'Alliance du personnel professionnel et technique en santé et services sociaux (APTS) qui demandent à la CDPQ de retirer ses actifs dans les combustibles fossiles.

Le maintien de ces actifs va à l'encontre des objectifs de l'Accord de Paris, fait courir des risques financiers majeurs à la Caisse et ne satisfait pas les critères éthiques qui devraient guider un fonds d'investissement public appartenant à l'ensemble des Québécois.

L'Accord de Paris, qui est entré en vigueur vendredi dernier, vise à maintenir l'augmentation de la température globale sous les 2 °C de réchauffement, et idéalement sous les 1,5 °C de réchauffement. Or, un rapport de Oil Change International publié récemment prouve que les infrastructures existantes dans les secteurs du charbon, du pétrole et du gaz naturel mèneront au dépassement de ces seuils. Le gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mark Carney, a fait écho au consensus scientifique en affirmant que la vaste majorité des ressources de combustibles fossiles devra rester enfouie. En demeurant dans ce secteur, la CDPQ mise sur l'échec de l'Accord de Paris, une position qui n'est plus tenable sur le plan éthique.

RISQUE FINANCIER

Mais la Caisse s'expose également à un risque financier. Seulement au niveau de son portefeuille d'actions, la Caisse détenait à la fin de la dernière année financière des actifs fossiles évalués à 8,4 milliards.

Si la Caisse avait fait le choix de sortir des énergies fossiles en 2012, elle aurait pu générer dans les trois années suivantes un rendement additionnel de 7,1 milliards sur les marchés boursiers selon le groupe de recherche Corporate Knights.

C'est dire que les Québécois ont perdu énormément ces dernières années dans ce secteur. Et qu'en est-il de demain ?

Pour limiter le réchauffement à 2 °C, l'ONU vient de préciser qu'il faudra impérativement diminuer notre consommation de pétrole, de gaz et de charbon de 25 % d'ici 2030. Plus personne ne doute que la transition vers les énergies renouvelables est en marche. Au niveau des énergies fossiles, nous ne parlons plus pour demain d'un risque financier, mais de pertes annoncées.

Plus de 600 institutions financières et fonds d'investissement ont commencé à se prémunir contre le risque d'éclatement d'une bulle carbone en sortant partiellement ou complètement leurs placements des combustibles fossiles, et ce, pour se protéger d'une dévaluation soudaine de ces actifs alors que la transition énergétique s'accélère. C'est le cas des grands fonds de pension de la Californie et du plus grand fonds souverain au monde, basé en Norvège.

Les Québécois sont fiers de l'outil collectif qu'ils se sont donné. La CDPQ doit répondre à leurs aspirations éthiques et financières. Ni les unes ni les autres ne sont rencontrées par des investissements dans les combustibles fossiles. Les Québécois ne peuvent pas retirer l'argent qu'ils ont placé à la Caisse, mais la Caisse peut retirer notre argent des combustibles fossiles. L'argent de nos retraites ne doit pas servir à condamner l'avenir de nos enfants.