À la suite des saisissantes révélations concernant la surveillance technologique de journalistes d'enquête par la Sûreté du Québec, le premier ministre Couillard a manifesté une colère froide.

Résultat : une commission d'enquête publique (quasi judiciaire) aura comme vocation de colliger tous les faits pertinents, pour ensuite recommander au gouvernement les mesures appropriées susceptibles d'être prises.

Du côté de Montréal, étourdi par des révélations troublantes, le maire Coderre a choisi de mandater son inspecteur général pour tenir une enquête administrative interne. Le mandat : déterminer si la police de Montréal a abusé de ses prérogatives et pouvoirs.

En prime, voilà que l'actualité nous révèle une intervention saugrenue du maire Coderre en 2014 auprès de Marc Parent - alors directeur du Service de police de Montréal. Il voulait débusquer l'identité du journaliste qui fouillait dans son passé de citoyen concernant une banale contravention routière.

Qu'en est-il au juste des relations institutionnelles entre la police et les élus ?

Commentant les forfaitures de la police fédérale canadienne (GRC) pendant la crise d'Octobre en 1970, le premier ministre canadien Pierre Elliott Trudeau déclara en point de presse : en matière criminelle, ce n'est pas le gouvernement qui assure la protection des citoyens contre les abus policiers, ce sont les tribunaux. La police enquête sur des crimes sans l'autorisation du ministre responsable, et même à son insu, avait-il précisé.

Il nuança son propos en matière de sécurité publique : la police doit agir dans le cadre d'orientations et de directives générales énoncées par le gouvernement du jour.

Récemment, le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) fut sévèrement blâmé par la Cour fédérale pour avoir manqué de transparence envers le tribunal à propos de son programme de collecte de données exécuté en vertu d'ordonnances judiciaires.

En conférence de presse, penaud, le directeur du SCRS Michel Coulombe a dit regretter que la cour « s'inquiète en ce qui a trait au respect de l'obligation de franchise » du SCRS. Ce chef espion n'a rien compris : l'efficacité du contrôle judiciaire n'a de sens que si les agents de l'État jouent franc-jeu.

INDÉPENDANCE POLICIÈRE RELATIVE

La relation police-gouvernement fut analysée par plusieurs commissions d'enquête.

Selon la commission McDonald, les opérations policières doivent faire l'objet de surveillance ministérielle. Dans un État démocratique, il ne faut jamais permettre que la police ne connaisse d'autre loi que la sienne, d'opiner les commissaires. Elle doit obéir à des gouvernements démocratiquement élus. Par conséquent, les politiques encadrant les fonctions quasi judiciaires d'enquête relèvent de l'autorité gouvernementale.

Selon le juge O'Connor (qui a présidé la commission Arar), jamais le gouvernement ne peut intervenir dans l'à-propos ou la justesse d'une enquête de police. Primauté du droit oblige ! La doctrine de l'indépendance policière n'étant pas absolue, ses limites évoluent, croit-il : « Une indépendance complète créerait le risque d'un autre type d'État policier, où la police n'aurait de compte à rendre à personne. »

Pour le juge Linden (qui a présidé la commission Ippershaw), le modèle des directives offre un solide cadre institutionnel favorisant les objectifs de transparence, de reddition de compte et de responsabilité ministérielle.

En 1999, la Cour suprême (affaire Campbell et Shirose) a statué qu'un policier enquêtant sur un crime n'agit pas comme un fonctionnaire ou un mandataire de l'État.

En somme, un agent de la paix n'est redevable que devant la loi et sa conscience. Ce jugement confirme la doctrine de l'indépendance opérationnelle des policiers. Au-delà du travail de base d'application de la loi, la Cour ne fixe aucune limite de contrôle.

Vu les pouvoirs extraordinaires de la police, il est essentiel qu'un examen minutieux et efficace de leur exercice s'ensuive.

D'ailleurs, il existe une tendance internationale croissante à recourir au mécanisme des directives publiques pour promouvoir la transparence des relations entre la police et le gouvernement.

Rappelons l'obligation de confidentialité relative à toute enquête criminelle. Cette exigence va de pair avec l'indépendance opérationnelle de la police. Or, celle-ci n'empêche aucunement le juste équilibre entre la surveillance d'un organisme gouvernemental et l'absence d'intervention dans le cours des enquêtes criminelles.

Avec le tourbillon d'importantes questions d'intérêt public à débattre, la prochaine commission d'enquête ne manquera pas de besogne.