Les Haïtiens doivent encore affronter une crise politique. Celle-ci est accompagnée de manifestations, souvent violentes, et parfois même de promesses de chaos lancées pour enflammer une situation qui n'en a vraiment pas besoin.

Après un parcours avorté du processus d'élections, Haïti se retrouve aujourd'hui sans président.

Il doit bien y avoir une limite à la capacité de résilience des Haïtiens. Les dirigeants politiques dans cette crise sont à mille lieues des préoccupations de leur population, choisissent des batailles de pouvoir internes stériles, et laissent dans un état délétère la situation politique, économique et sociale du pays. Quel manque criant de volonté politique !

Bien entendu, Haïti est aux prises avec une carence de ressources chronique. Mais pour ne pas laisser cette situation politique dégénérer et surtout pour ne pas laisser sans réponse et sans action tant d'enjeux de droits humains qui touchent tous les Haïtiens, il est urgent et nécessaire que les acteurs politiques de tous côtés démontrent de la volonté.

Tout d'abord, ils doivent se mettre d'accord en vue de trouver et mettre en pratique des solutions politiques de consensus qui permettent de se doter d'institutions qui jouissent de légitimité. Ils se doivent aussi de relever les nombreux défis politiques, économiques et sociaux du pays afin d'assurer enfin à la population une cohésion nationale, une stabilité sociale, un climat apaisé et libre de toute violence. Ils ne doivent pas laisser le monde détourner encore une fois le regard d'Haïti et se fatiguer d'une nouvelle crise.

Les failles structurelles et institutionnelles ont été amplifiées avec le tremblement de terre, mais les solutions existent. Il est grandement temps d'agir !

QUATRE CHANTIERS

Avec le soutien de la communauté internationale, en action conjointe et coordonnée, les leaders politiques ont beaucoup à faire.

 - Réformer le système judiciaire : recruter des juges compétents et leur donner les moyens pour agir en toute indépendance, travailler sur la représentation légale afin d'offrir la possibilité aux personnes démunies d'avoir accès à un avocat de la défense, interdire les détentions administratives arbitraires, instaurer des règles de procédure justes et équitables, encadrer les détentions préventives afin d'en éviter les abus, remédier à l'impunité régnante, pour que ceux qui sont responsables de violations graves de droits humains soient jugés.

Le sentiment qu'une justice est possible doit enfin naître. Que ce soit pour les victimes du régime de Jean-Claude Duvalier ou les nombreux pères, fils, frères emprisonnés sans jugement et dont l'absence nuit au bien-être de milliers de familles, ou pour les femmes victimes de violences, la perception d'une justice équitable est fondamentale.

 - Investir pour faciliter l'accès à un logement convenable et durable pour les 60 000 personnes qui vivent encore dans des conditions inhumaines et dégradantes dans des camps à la suite du tremblement de terre de 2010.

 - S'occuper des milliers d'Haïtiens et de Dominicains d'origine haïtienne de retour en Haïti, qui actuellement croupissent dans des camps.

 - Réduire l'impact du choléra en construisant des infrastructures sanitaires et d'accès à l'eau.

Le Canada peut jouer un rôle essentiel pour accompagner non seulement les leaders politiques dans ces chantiers - dont celui sur la justice équitable et indépendante - , mais aussi contribuer à la coordination des efforts pour soutenir ces réformes critiques et ces plans d'aide d'urgence.

Les leaders politiques ont le choix de cesser de tenir la population haïtienne en otage. Avec de la volonté politique, ils peuvent ramener la paix sociale dans le pays.