L'auteur québécois Dany Laferrière a choisi d'exprimer dans un poème l'émotion  que suscitent chez lui les attentats de Paris.

Je marche

de jour comme de nuit

dans Paris

depuis si longtemps déjà

que je me demande

qui habite l'autre

toujours ému de savoir

qu'un poète nommé Villon

l'a fait avant moi

qu'un libérateur comme Bolivar

y a séjourné en dandy

que mon jeune voisin Jean de la rue Masson

a fêté son vingtième anniversaire jusqu'à l'aube

dans un bistro situé en face

d'une petite place faiblement éclairée.

J'aime savoir qu'il existe une ville

où les femmes aiment marcher de nuit

sans s'inquiéter des ombres et aussi parce qu'on y trouve une station de métro avant la fatigue.

J'aime flâner dans une ville où les quartiers contrastés

fleurissent au bout de nos rêves.

J'aime m'arrêter à la terrasse des cafés pour

observer le ballet des serveurs.

J'aime écouter dans le métro les conversations

des jeunes filles qui racontent la soirée d'avant.

J'aime voir les jambes nues tout le long de l'été.

Cet art de vivre qu'aucune autre ville ne connaît mieux que Paris.

Et que personne n'a mieux chanté que Villon et Aragon

ou cette jeune fille croisée boulevard Richard-Lenoir

qui s'est exclamée : « Je me suis cassé le talon mais je m'en fous si c'est à Paris. »

Me voilà dans cette baignoire à lire, cette fois,

Paris est une fête d'Hemingway

tout en me disant qu'elle le sera toujours quoi qu'il arrive.