Depuis 2008, le marché mondial de l'aluminium s'est profondément transformé, tout comme la situation concurrentielle à laquelle nous sommes confrontés. Le positionnement du Québec dans l'économie verte et comme leader dans la lutte contre les changements climatiques peut contribuer à pérenniser notre industrie et rendre possible des dizaines de milliards de dollars d'investissements au cours des prochaines années. C'est ce que peuvent faire la nouvelle Politique énergétique et la Stratégie québécoise de l'aluminium, qui doivent être dévoilées prochainement.

Nous avons su créer ici les conditions gagnantes qui soutiennent 10 000 emplois bien rémunérés, au sein d'un réseau de grandes entreprises et de 4000 PME fournisseuses de biens et services. Nos seules activités primaires injectent dans l'économie québécoise 5 milliards par année.

Mais notre environnement d'affaires est aujourd'hui en profonde transformation. Le prix de l'aluminium, qui se négociait à 3000 $ la tonne en décembre 2008, vivote aujourd'hui aux environs de 1700 $, pas très loin du seuil où les usines les plus performantes du parc mondial tournent à perte. De gigantesques capacités de production ont vu le jour en Chine et au Moyen-Orient, avec des coûts de production extrêmement bas et un bilan environnemental qui n'a rien à voir avec le nôtre. 

Aux prises avec d'importants surplus, la Chine s'apprête à lever les taxes à l'exportation appliquées à son aluminium primaire, ce qui lui permettra d'inonder les marchés américain et européen avec une commodité à bas prix et à hauts coûts environnementaux. Pendant ce temps, grâce à notre hydroélectricité, à nos investissements technologiques et à la performance de nos employés, nous produisons de l'aluminium huit fois moins émetteur de GES qu'en Chine.

Nos usines sont parmi les plus performantes du monde, mais sont également parmi celles dont les coûts de production s'avèrent les plus importants.

Les salaires que nous versons sont les plus élevés du secteur manufacturier canadien et n'ont rien à voir avec ce qui est offert en Chine, où la production se trouve largement subventionnée. L'avantage énergétique qui a toujours fait le contrepoids pour le Québec n'en est plus un.

Notre industrie a dans ses cartons quelque 10 milliards en projets de croissance au cours des prochaines années. Comment, aujourd'hui, rendre possibles de tels investissements ?

La nature de la concurrence mondiale à laquelle nous sommes soumis nous impose d'améliorer sans cesse notre productivité. Nous tendons déjà de plus en plus vers la production à valeur ajoutée dans des marchés de niche. C'est avec cette idée en tête que s'est créée la première grappe industrielle de l'aluminium du Québec, AluQuébec, qui vise à doubler la transformation de l'aluminium au Québec dans les dix prochaines années dans les domaines du transport, du bâtiment et des infrastructures.

Le gouvernement doit lui aussi être de la partie en se souciant de maintenir le caractère concurrentiel de ses tarifs d'énergie - ce qui n'est plus le cas aujourd'hui - par rapport à ceux auxquels les concurrents du Québec ailleurs dans le monde ont accès. Il peut aussi favoriser l'accès à l'aluminium dans ses appels d'offres publics, un marché annuel de 30 milliards où dominent encore presque sans partage le béton et l'acier.

Nous devons également réfléchir aux meilleures façons de favoriser une production industrielle québécoise à faibles émissions de carbone comparativement aux produits importés, souvent générés à partir d'énergie issue de centrales au charbon. Le Québec peut être encore plus actif pour attirer des entreprises à la recherche de sources d'énergie comme l'hydroélectricité et l'éolien. Ceci doit devenir une marque de commerce distinctive pour les produits québécois et être transformé en véritable avantage comparatif et compétitif.

Espérons que la direction qui sera donnée à travers la Stratégie québécoise de développement de l'aluminium ainsi que la Politique énergétique du Québec contribuera à assurer la pérennité d'une industrie de classe mondiale présente au Québec depuis plus de 100 ans.