Depuis le dépôt du projet de Charte de la laïcité, la question s'est posée de l'impact possible de cette initiative sur le vote. En utilisant des données de sondage, j'ai déjà montré que l'impact sur les intentions de vote avait été faible et semblait fragile («Montréal, la Charte et le vote», 1er avril). Maintenant que les résultats de l'élection sont disponibles, il est possible d'analyser la participation et les préférences de vote et voir si on peut en déduire un impact de la Charte.

Les non-francophones ont voté

La participation électorale a diminué de 3,2% dans l'ensemble du Québec entre 2012 et 2014. À l'élection de 2014, pour la première fois dans une élection depuis le référendum de 1995, il n'y a aucune différence dans la participation selon la proportion de francophones dans les circonscriptions. La forte participation des non-francophones se traduit par le fait que les 17 circonscriptions de la région de Montréal comprenant plus de 50% de non-francophones ont toutes un taux de participation plus élevé qu'à l'élection de 2012. À l'opposé, le taux de participation a diminué dans pratiquement toutes les circonscriptions comprenant plus de 50% de francophones. L'élection de 2014 aura donc été très mobilisatrice pour les non-francophones.

Tous derrière le PLQ

L'élection de 2014 se caractérise par un retour à un vote presque homogène en faveur du PLQ chez les non-francophones. En 2012, on estimait le vote pour le PLQ à 76% alors qu'en 2014, les mêmes estimations donnent un appui de 93% au PLQ, soit une hausse de 17 points. Québec solidaire maintient à peine ses appuis alors qu'il ne reste que des grenailles pour les autres partis. Seuls les deux partis qui appuyaient une interdiction élargie du port de signes religieux ont perdu leurs appuis de façon significative chez les non-francophones et ceci, malgré les positions constitutionnelles opposées de ces partis.

Chez les francophones, l'estimation donne une augmentation du vote pour le PLQ de huit points entre 2012 et 2014 (de 21% à 29%) et une baisse du même ordre pour le PQ (de 38% à 32%). La CAQ maintient ses appuis aux alentours de 30% et Québec solidaire augmente ses appuis, de 5% à 8%. Chez les francophones, c'est uniquement le Parti québécois qui a perdu des appuis. L'appui à la Charte ne s'est donc pas traduit en appui au PQ.

Moins trois à Montréal

Le PQ a perdu trois circonscriptions au PLQ dans la région de Montréal, soit Crémazie, Laval-des-Rapides et Sainte-Rose. Toutes ces circonscriptions se caractérisent par la présence d'une forte proportion de personnes de langue maternelle autre que française, soit 26% dans Sainte-Rose, 30% dans Laval-des-Rapides et 32% dans Crémazie. Dans ces circonscriptions, la participation a diminué moins que dans l'ensemble de la province et, dans Laval-des-Rapides et Sainte-Rose, la proportion de votes pour le PLQ a augmenté plus que dans l'ensemble du Québec.

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En conclusion, les non-francophones se sont mobilisés plus fortement dans cette élection que dans toutes les élections qui ont eu lieu depuis le référendum de 1995. De plus, leur vote est redevenu très homogène. Effet de charte ou effet de la crainte d'un référendum? On peut penser que l'effet référendum avait déjà eu lieu en 2012. L'augmentation de la participation des non-francophones en 2014 apparaît donc surtout due à l'impact du projet de Charte de la laïcité. Les francophones déterminent toujours le résultat des élections, mais le vote des non-francophones, qui constituent plus du tiers de la population de la grande région de Montréal, peut de moins en moins être négligé.