Lors de la dernière campagne électorale provinciale, les sondages ont globalement sous-estimé le vote pour le Parti libéral du Québec (PLQ) par 3,6 points. Comme les sondages sont susceptibles d'influencer le vote, ne serait-ce que par leur effet sur les partis, il est important de se demander si les sondages publiés sous-estiment toujours le vote pour le PLQ.

Pour répondre à cette question, plusieurs facteurs doivent être pris en compte, soit l'estimation du vote des discrets - les personnes qui ne révèlent pas leur intention de vote - et des non francophones, la participation et les biais possibles des sondages web.

Historiquement, les sondages ont plus tendance à sous-estimer le vote pour le PLQ quand le Parti québécois prend le pouvoir. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette tendance. D'une part, le Parti québécois n'a jamais eu plus d'un point d'écart avec le Parti libéral (un point en plus en 1994 et en 2012, et un point en moins en 1998) dans les trois dernières élections où il a pris le pouvoir. Cette situation de lutte serrée peut entraîner un climat électoral plus tendu où certains électeurs ont tendance à cacher leur vote.

Un sondage post-électoral que j'ai mené après l'élection de 2012 confirme cette hypothèse: les discrets étaient deux fois plus susceptibles de déclarer avoir voté pour le PLQ que pour le PQ ou la CAQ. De plus, les sondages semblent avoir de la difficulté à constituer des échantillons représentatifs des non-francophones. Leur intention de vote pour le PLQ apparaît systématiquement sous-estimée.

La participation explique également la sous-estimation. Lorsque le PQ prend le pouvoir, le taux de participation est en moyenne au moins cinq points supérieurs à la participation enregistrée lorsque le PLQ prend le pouvoir. Cette hausse de participation est due entre autres à une participation proportionnellement plus élevée dans les circonscriptions sûres, plus souvent acquises au PLQ. En d'autres termes, lorsque le Parti québécois a des chances de prendre le pouvoir, il mobilise aussi ses opposants. La plus forte participation des libéraux explique donc partiellement la sous-estimation de leur vote par les sondages.

Enfin, lors des élections fédérales de 2011, de celle de l'Alberta en 2012 et de celle de la Colombie-Britannique en 2013, les sondages web ont surestimé de deux à quatre points le vote plus à gauche, soit le NPD au Canada et en Colombie-Britannique et le Parti conservateur (plutôt que le Parti Wildrose) en Alberta. Si les deux principales firmes québécoises font des sondages web, il est possible qu'elles surestiment un peu le vote pour le Parti québécois et pour les petits partis.

Ces facteurs, couplés au fait que les sondages montrent que le Parti québécois a des chances de prendre le pouvoir, amènent à penser que ces sondages sous-estiment probablement le vote pour le PLQ. Une analyse de l'évolution des sondages publiés depuis septembre 2012 montre que les sondages publiés donneraient une avance de cinq points au PQ (39% à 34%) alors que, en utilisant la même répartition non proportionnelle des discrets qui avait donné de bons résultats en 2012 (50% au PLQ, 25% au PQ et 25% à la CAQ), l'intention de vote pour le PQ se situe à peu près au même niveau (37%) que celle du PLQ (36%) alors que la CAQ, plus basse qu'en 2012, est à 15%.

En 2012, je concluais en incitant les sondeurs et les médias à publier des estimations avec une répartition non proportionnelle des discrets. Cela aurait l'avantage d'aider les électeurs à relativiser les chiffres publiés. La suggestion vaut toujours.