En septembre 2012, l'actuel gouvernement provincial entrait en fonction. Un mois avant l'élection, le Service d'enquête sur la corruption de la Sûreté du Québec ouvrait un dossier d'investigation sur le financement politique. Ce n'est qu'en juillet 2013 que les policiers effectuaient une perquisition au siège social du PLQ à Montréal.

Peu avant la rentrée parlementaire d'automne, soit en septembre 2013, l'information secrète d'une visite de l'UPAC à Philippe Couillard a migré dans la sphère médiatique. La question se pose: coïncidence ou manoeuvre politique? Bref, notre police nationale québécoise fut-elle instrumentalisée à son insu? Pire encore: serait-elle envasée dans un processus de politisation?

Récemment, sur la foi d'allégations (non fondées) selon lesquelles l'Agence métropolitaine de transport de Montréal (AMT) serait victime de fraude, l'UPAC perquisitionnait deux entreprises familiales dans lesquelles M. Marc Bibeau est actionnaire minoritaire. Présents sur place, des journalistes firent un topo reliant «le grand argentier du PLQ» à l'enquête policière relative au financement politique illégal.

La commission Charbonneau a vocation d'examiner l'existence de stratagèmes (collusion et corruption) concernant les contrats publics dans l'industrie de la construction. Cela inclut des liens possibles avec le financement des partis politiques. Il coule de source que l'investigation actuelle menée par le Service d'enquête sur la corruption de la Sûreté du Québec sera pertinente aux travaux des commissaires.

Mme France Charbonneau a admis que sa commission bénéficie d'une «excellente collaboration» policière. Outre le nombre significatif de policiers provinciaux dans son personnel d'enquêteurs, la logistique policière jouxtant les locaux de la Commission confirme la symbiose durable entre les deux organismes d'enquête.

L'influence politique

L'échéance électorale approche. Ce concours de circonstances fait en sorte que, bon gré, mal gré, la SQ barbote dans la sphère politique.

L'année dernière, à la suite au renvoi de son prédécesseur Richard Deschesnes (une nomination du gouvernement Charest), le contexte trouble de la désignation de Mario Laprise à la direction de la SQ permettait de penser que ce choix n'était pas javellisé de toute influence politique. Quoi qu'il en soit, s'il advenait que l'enquête spéciale requise par le ministre de la Sécurité publique - concernant des allégations d'irrégularités administratives imputées à trois ex-dirigeants de la SQ - migre vers une cour de justice, de stupéfiantes révélations pourraient bien surgir et générer un effet boomerang dévastateur pour la SQ et certains de ses hauts gradés actuels.

En matière d'enquêtes policières à teneur politique, des liens de proximité se nouent entre certains journalistes et quelques policiers. Qui va croire au jeu du hasard lorsque, caméras et appareils photo en bandoulière, des journalistes bien documentés commentent en direct, tôt le matin, une opération de perquisition. Selon Robert Lafrenière, le commissaire de l'UPAC, lorsqu'une perquisition est médiatisée, «c'est qu'il y a eu fuite».

Souvent, le relais de l'information confidentielle du policier au journaliste s'effectue avant qu'une ordonnance de mise sous scellé ne soit décrétée par le juge signataire d'un mandat de perquisition. Il n'empêche qu'une atteinte à la présomption d'innocence peut naître de la diffusion d'informations tirées d'un dossier d'enquête criminelle. La transparence de la justice ne doit pas servir à contaminer l'opinion publique quant à la culpabilité des personnes mêlées à une enquête policière.

Lorsqu'il transmet à un journaliste des informations confidentielles - parfois inspirées d'écoute clandestine -, le policier entrave le cours de la justice. Le journaliste favorisé engage aussi sa responsabilité criminelle.

Nul doute que ces liaisons dangereuses sont périlleuses. Toutefois, à ce jour, les enquêtes annoncées par la SQ pour débusquer les policiers fautifs semblent figées dans l'oubli. Dans un contexte d'enquête «politique», le copinage police-média agit en surplomb. Dommage pour la démocratie.