Alors que le Québec frôlerait la récession, que les finances publiques peinent à s'équilibrer et que la productivité du Québec traîne derrière presque tous les pays auxquels nous voulons nous comparer, nous pourrions trouver une source de réconfort dans un secteur d'abondance: celui de l'énergie.

Non seulement le Québec est le quatrième producteur mondial d'hydroélectricité (après la Chine, le Brésil et les États-Unis), mais on nous annonce des surplus d'électricité pour les années à venir. Du côté des énergies fossiles, nous n'avons aucun mal à obtenir le pétrole que nous consommons de l'étranger, mais en plus, on se bouscule à l'ouest pour développer des pipelines pouvant nous approvisionner avec encore davantage de pétrole. De plus, la production québécoise pourrait décoller en Gaspésie, à Anticosti et dans le golfe du St-Laurent (Old Harry).

Même son de cloche pour le gaz naturel. Qu'il vienne maintenant de l'Ouest canadien ou des États-Unis, ou qu'il soit demain produit ici, de sources non renouvelables (gaz de schiste) ou renouvelables (biométhanisation), la question de la rareté ne se pose pas: nous vivons au coeur de l'abondance énergétique, sous toutes ses formes.

Par ailleurs, depuis longtemps, l'efficacité énergétique est présentée comme un objectif des politiques énergétiques québécoises. Une fois encore, la future politique 2015-2025 entend favoriser l'efficacité énergétique dans tous les secteurs: objectif numéro 3 de la nouvelle politique, après la réduction des gaz à effet de serre et l'électrification des transports.

Mais pourquoi vouloir être plus efficace, si nous nageons dans l'abondance énergétique? Ne pourrait-on pas laisser cet aspect de côté, et nous consacrer à des problèmes plus criants: récession, finances publiques, productivité? Dans ce contexte, favoriser la consommation d'énergie, si elle génère la prospérité et la croissance, serait même une bonne chose?

En fait, c'est presque tout le contraire. Notre consommation de pétrole nous appauvrit, en contribuant essentiellement à nous déplacer inefficacement dans des véhicules généralement trop gros, dans des artères trop congestionnées. Notre consommation d'électricité est irraisonnée, parce qu'une trop grande partie est perdue dans le chauffage des bâtiments, quand des options plus rentables existent. Ainsi, c'est à travers des efforts soutenus en efficacité énergétique que nous serions le plus à même de s'extraire de la menace de récession, de rééquilibrer les finances publiques et d'augmenter notre productivité.

En revoyant notre approche à la consommation de pétrole et d'électricité (près de 80% de notre consommation totale), nous pourrions faire davantage, en dépensant moins. Cela améliorerait directement notre productivité.

Côté pétrole, toutes les alternatives à l'auto-solo coûtent directement moins cher et ont des bénéfices collatéraux: fluidité dans la mobilité, activité physique, réduction des accidents et des besoins en infrastructures, sans compter évidemment les gains environnementaux. Au lieu d'être dépensé en voitures et pétrole importé, en asphalte et en soins de santé, l'argent irait davantage dans l'économie québécoise - et la relancerait.

Côté électricité, tous les kilowattheures n'allant plus dans le chauffage des bâtiments et de l'eau, et dans la climatisation, pourraient être redirigés vers des industries créatrices de valeur, ou exportés.

Dans les deux cas, plus de richesse serait créée pour le Québec.

Pourquoi l'efficacité énergétique nous échappe-t-elle en grande partie? Pourquoi continue-t-on de la mettre comme un objectif prioritaire depuis tant d'années sans jamais parvenir à l'atteindre? Le coeur de la raison se trouve dans un prix de l'énergie trop bas. En particulier l'hydroélectricité, si abondante chez nous, est vendue la moitié du prix que paient nos voisins immédiats.

Pour changer cela, il faudra que nous ayons le courage des moyens: mettre un prix équivalent à la valeur de l'énergie - en particulier notre hydroélectricité, à qui tous attribuent de grandes qualités. L'abondance ne justifie pas cet acharnement à vouloir continuer de la vendre en deçà de ce qu'elle vaut. Réalisons-le, pour enfin jouir de toute la richesse qui est à notre portée.