Les travailleurs salariés jouissent d'une journée de congé le premier lundi de septembre sans qu'aucune commémoration ne vienne expliquer la signification de cette prétendue fête.

Même si elle est liée au travail, aucune organisation de travailleurs ne s'en réclame. Vaguement, certains ont imaginé qu'elle serait une création des gouvernements pour honorer davantage le travail que les travailleurs. Devenue une fête sans fête, sa signification originelle est tombée dans l'oubli. Au Québec, elle s'est transformée en borne symbolique marquant la fin de l'été et des vacances et le début de l'automne avec la rentrée scolaire et le retour plein et entier au travail.

Mais il fut une époque où le premier lundi de septembre était célébré à Montréal avec faste par les syndicats affiliés aux unions internationales venues des États-Unis. Organisée par le Conseil des métiers et du travail de Montréal, la fête avait comme élément central un défilé dans les rues qui avait une ampleur considérable. Il était suivi d'une fête champêtre pour les familles ouvrières dans un des grands parcs de la métropole. Un défilé semblable avait lieu à Québec et dans d'autres villes industrielles.

Le défilé à Montréal, qui s'est ébranlé pour la première fois en 1886, empruntait les rues commerciales de l'est de la métropole. N'y participaient que les syndiqués déambulant par syndicat, parfois avec leur costume de travail, et dans un ordre précis, presque militaire. Les syndiqués accompagnés de fanfares et chars allégoriques, arborant drapeaux et bannières, défilaient en nombre imposant : entre 10 000 et 20 000 syndiqués avant la Première Guerre mondiale et de 25 000 à 30 000 syndiqués de 1918 à 1925 (au moins aux deux tiers francophones). Le défilé de 1919 comptait 30 000 ouvriers membres de 125 syndicats paradant pendant deux heures en compagnie de 22 corps de musiciens et d'une quarantaine de chars allégoriques. La participation était si imposante que le syndicat en tête du défilé a atteint le point de dislocation de la parade au carré Papineau alors que le dernier syndicat n'était pas encore parti du point de ralliement au carré Viger.

La foule le long du parcours atteignait entre 100 000 et 200 000 personnes qui se massaient sur les trottoirs lorsque le soleil était au rendez-vous. C'était un événement marquant de la vie publique des Montréalais rapporté en détail par les grands quotidiens montréalais. Au début du siècle, ils lui réservaient souvent une page complète, à la une, afin de rendre hommage aux travailleurs et aux syndicats. Notamment La Presse, La Patrie et le Montreal Star, qui voulaient s'identifier au monde ouvrier. La participation des syndiqués au défilé s'étiole pendant la Deuxième Guerre mondiale et il sera finalement annulé en 1953. Il est remplacé par un spectacle de variétés dans une salle, formule abandonnée en 1962.

Une fête d'abord américaine

L'idée de la fête du Travail provient des États-Unis où la manifestation se répand dans les villes américaines dans les années 1880. D'abord célébrée à New York en 1882, elle ne commémore pas un événement particulier, mais vise plutôt à honorer les travailleurs syndiqués entre la fête de l'Indépendance des États-Unis et l'Action de gr â ce. À la demande des syndicats, elle devient fête civique aux États-Unis et au Canada en 1894 et fête légale au Québec en 1899.

À noter que le premier lundi de septembre est célébré comme fête des travailleurs en Amérique du Nord avant le 1er mai en Europe. C'est la Deuxième internationale à son congrès de fondation à Paris en 1889 qui a choisi cette date comme fête internationale des travailleurs. Elle rappelle la lutte aux États-Unis pour la journée de huit heures que les syndicats voulaient voir appliquer le 1er mai 1886. Les délégués au congrès de Paris ne sont pas conscients que les syndicats nord-américains avaient déjà leur fête du travail.

En occupant collectivement un espace public, les syndiqués montréalais veulent manifester symboliquement la fierté de leur travail, la force du syndicalisme et leur identité comme classe sociale. La célébration a notamment pour but la reconnaissance du syndicalisme comme une organisation légitime où s'expriment les aspirations de la « classe laborieuse ». C'est en ce sens aussi que la manifestation est comprise par les éditorialistes, les hommes politiques et les autorités religieuses.