L'information révélée dans l'article intitulé «Menacé sur son cellulaire, traqué jusque dans sa chambre», paru samedi dernier, m'a personnellement révoltée. On y apprend qu'un jeune, qui avait eu le courage d'informer son enseignant qu'il était victime d'intimidation, s'est fait répondre que «c'était à lui d'avoir l'air moins gai. Que ça l'aiderait».

Peut-on être aussi inhumain devant la détresse d'un jeune qui cherche à prendre sa place à l'école, selon ses propres choix, sans se faire virer et se faire dire que c'est de sa faute si les autres sont sur son dos et cherchent à le détruire psychologiquement?

Cette insensibilité crasse est proprement révoltante. Parce que le bullying, l'intimidation, c'est d'abord de la cruauté, plus insidieuse, plus destructrice, qu'une brûlure ou qu'un coup de pied: c'est une atteinte à l'estime de soi, à l'identité même de l'individu.

Se faire traiter de «fif» ou de «tapette», de «pute» ou de «slut» dans un texto ou un tweet donne encore à celui qui le dit ou l'écrit une sorte d'impunité que le silence des autres confirme quand ils n'en rajoutent pas eux-mêmes. Celui ou celle qui attaque devient ainsi le bourreau qui agit au nom du groupe qui le protège en ne le dénonçant pas, ou pire, comme chez ce professeur qui dit au jeune que c'est de sa faute s'il se fait taper dessus, se voit marginalisé et nié le droit d'être lui-même.

L'adolescence est une période difficile d'apprentissage de la liberté, de recherche de soi et d'effort d'intégration. On s'attendrait d'un enseignant le moindrement responsable qu'il démontre un minimum d'empathie et surtout qu'il commence par apprécier d'abord lui-même les différences, et apprenne ensuite aux autres à les respecter.

Les jeunes peuvent être cruels entre eux: ils peuvent aussi à l'occasion mentir pour se venger ou punir ceux qui les dérangent. Et ces «jeux» ne sont pas sans conséquence: Amanda Todd, 15 ans, de Vancouver, s'est suicidée le 10 octobre et Jamie Hubbley aussi, l'an dernier. On ne peut pas oublier la petite Marjorie Raymond, qui s'est suicidée le 29 novembre 2011 à la suite de cyberbullying. La Fondation Jasmin Roy organise d'ailleurs un concert-bénéfice à sa mémoire, le 29 novembre à Montréal, à La Tulipe.

Le cellulaire que les jeunes ont tous dans leur poche ou à la main, qui leur fournit autant de confort que d'accessibilité instantanée à leur réseau «d'amis» ou de complices, peut devenir un incroyable instrument de torture psychologique. Pas seulement dans la cour d'école, mais en tout temps, dans la rue, à la maison, les fins de semaine, le matin comme le soir.

Je reste bouche bée, attristée, devant l'incurie de cet enseignant, qui au lieu de tendre une bouée à un jeune en détresse, n'a trouvé rien de mieux que de le renvoyer à son miroir, pour qu'il voie bien qu'il a l'air trop gai...

Dommage, vraiment dommage, que la confidentialité qui entoure le service de Jeunesse, J'écoute ne permette pas de retracer l'école où il y a si peu de sensibilité à la réalité et aux ravages de l'intimidation chez les jeunes; on pourrait au moins s'assurer que la direction de l'école s'ajuste à la réalité d'aujourd'hui, éduque d'abord les enseignants et les jeunes sur l'arme dangereuse que peuvent devenir le cellulaire, les textos et les tweets. Et surtout, qu'on puisse tendre la main à ce jeune qui a le courage de relever la tête et de se battre pour affirmer ce qu'il est et veut être.