Forte de mon expérience d'environ une centaine de salons du livre auxquels j'ai assisté depuis 12 ans, je me permets de réagir à l'avance à une certaine réflexion infailliblement entendue lors de chacun de ces salons: «Les livres, c'est tellement cher!»

Tellement cher? Mon premier roman a été édité en février 2000 et il coûtait 24,95$. En cet automne 2012, je viens de publier mes quatorzième et quinzième livres, un roman et un recueil de contes de Noël qui se vendent toujours et encore 24,95$ chacun! En 2000, l'essence se vendait moins de 0,60$ le litre, maintenant...

Comme pour la plupart des écrivains du Québec, mes droits d'auteur représentent 10% du prix de vente en librairie, soit 2,49$ par livre. Les droits dérivés, ventes par catalogue ou réédition dans une autre maison, par exemple, représentent environ la moitié de ce 10% ...

Quant aux livres sur les rayons des bibliothèques, la Commission du droit de prêt public alloue un montant maximal de 336$ par livre s'il est trouvé dans sept bibliothèques prises au hasard. Il serait dans 2000 bibliothèques que cela ne changerait rien! Mais si on ne le trouve qu'à cinq ou six endroits ou s'il a été publié avant 2007, ce montant est à la baisse.

Quant aux activités promotionnelles, entrevues, tables rondes, émissions de télé, elles sont aux frais de l'écrivain et non rémunérées dans 95% des cas, sauf pour les rencontres d'auteur dans les bibliothèques. Ainsi, j'avais une entrevue à une chaîne privée de télé, la semaine dernière, à 150 km de chez moi. J'ai dû payer de ma poche l'essence et mon repas.

Mais tout cela n'est rien à côté des dépenses encourues par les auteurs pour assister aux salons du livre. Rimouski, Jonquière, Sherbrooke, Gatineau, Trois-Rivières, Québec et Rouyn-Noranda ne sont pas à la porte. Les hôtels et les repas, durant quatre jours, coûtent cher. Ainsi, seulement pour le Salon de Montréal, comme j'aurai des séances de signatures presque tous les jours, je calcule qu'il me faudra vendre 41 livres seulement pour payer le stationnement! Quant à l'essence...

Je peux comprendre le gouvernement de subventionner les maisons d'édition. Fabriquer un livre coûte cher et les acheteurs québécois sont peu nombreux. Mais pourquoi ne pas aider aussi les écrivains qui se donnent la peine de faire de la promotion ou dont les livres ont fait leurs preuves auprès du lectorat? L'une de mes trilogies est demeurée pendant dix semaines au palmarès des meilleurs vendeurs au Québec. Les ventes d'une autre série sont arrivées en troisième place au catalogue de France-Loisirs, dans la catégorie Best Sellers. Un cinéaste de France s'intéresse à un autre de mes romans...

J'ai pourtant demandé, en bonne et due forme et durant cinq années d'affilée, une subvention au gouvernement, tant du Québec que d'Ottawa. Chaque fois, j'ai essuyé un refus sans aucune explication... L'an dernier, j'y ai renoncé, cela m'écoeure trop! Dire que je travaille dans l'écriture en moyenne 50 heures par semaine durant toute l'année, depuis 12 ans.

Malgré un salaire en dents de scie, je vais continuer d'écrire parce que j'ai le feu sacré. Mais de grâce, monsieur et madame qui viendrez au Salon de Montréal, songez qu'un livre est une oeuvre d'art et de création qui vous procurera des heures de plaisir, de découvertes ou de réflexion. Un livre se savoure, il se garde à long terme ou il se partage, il s'échange et suscite des discussions. Croyez-moi, il vaut certainement autant que le lunch que vous prendrez au resto, qui durera trois quarts d'heure et ne sera peut-être même pas bon!

Et, s'il vous plaît, encouragez les auteurs de chez nous et procurez-vous leurs livres, pas si chers à bien y songer, parce que porteurs de notre culture, de nos histoires et de nos rêves.