Depuis plusieurs années, déjà, une expression s'est imposée au Québec, celle de «choix de société». Les partisans de la gauche l'utilisent pour défendre ce qu'ils considèrent comme des acquis sociaux dont ils considèrent qu'il serait sacrilège de les modifier. Ces dernières années, on y a notamment eu recours pour défendre les CPE à 7$, les bas tarifs d'électricité, la formule Rand, les soins de santé publics et le gel des droits de scolarité.

Or, bien peu de nos programmes et de nos institutions se qualifient comme «choix de société», puisque la plupart ont été mis en place par des gouvernements sans qu'il y ait de véritable débat, sinon entre les partis à l'occasion des campagnes électorales. Ainsi, la fondation des cégeps, l'établissement du régime d'assurance santé, la mise en place du «no fault» en assurance automobile ou la création des CPE, pour ne nommer que ceux-là, ont été principalement affaire de politiciens et de mandarins.

Pour qu'on parle de véritable «choix de société», il faut minimalement qu'il y ait un débat public assez large et que la décision gouvernementale fasse l'objet d'un consensus relatif. Dans notre histoire récente, on peut y inclure la nationalisation des entreprises productrices d'hydro-électricité en 1962 (élection référendaire) et la mise en place de la Charte de la langue française en 1977 (après plus de 10 ans de discussions et d'affrontements). Certains programmes, comme l'assurance médicaments ou les CPE sont devenus des «choix de société» après que la population en ait perçu les bénéfices.

Dans le débat qui se déroule au Québec en ce printemps 2012, celui portant sur l'augmentation des droits de scolarité, les partisans du gel présentent justement celui-ci comme un «choix de société». Or, cet argument est une supercherie à plusieurs titres.

D'abord parce que, contrairement à ce que plusieurs prétendent, les gens qui ont créé notre système d'éducation en 1963-1964 n'ont jamais voulu un système gratuit de la maternelle à l'université, la fréquentation de cette dernière étant payante dans leur esprit. D'ailleurs, aucun hurluberlu n'a réclamé la gratuité à cette époque ni dans les années suivantes. Les droits d'admission dans les cégeps, créés en 1967, sont très faibles parce que ceux-ci comportent un enseignement professionnel qui était autrefois donné par les écoles techniques, associées au secondaire.

Les décisions relatives aux droits de scolarité universitaires depuis les années 60 n'ont jamais été l'objet de débats de société, mais ont été le fait de gouvernements ou de politiciens, le plus souvent pour des raisons partisanes.

Ainsi, en 1986, Robert Bourassa a refusé d'augmenter les droits parce qu'il en avait fait la promesse pendant la campagne électorale de 1985. Dédouané après les élections de 1989, il a laissé le ministre de l'Éducation Claude Ryan les tripler en trois ans. En 1994, c'est le premier ministre Parizeau qui a lui-même pris l'initiative de revenir au gel pour motif référendaire. Il y a bien eu débat en 1989 et en 2005, mais celui-ci était limité aux associations étudiantes et au gouvernement.

En ce printemps 2012, un véritable débat de société se tient sur les droits, entre partisans de leur augmentation, du gel ou de la gratuité. Les médias sont inondés d'interventions, les arguments sont débattus et rebattus, les élites comme monsieur tout le monde y participent. La décision du gouvernement Charest a été analysée sous toutes ses coutures et les sondages indiquent que la population l'approuve dans une proportion de 60%.

Un «choix de société» est donc en train de se faire, mais au détriment des positions corporatistes défendues par les étudiants. Pourquoi leurs leaders, et une minorité d'entre eux, refusent-ils donc avec tant d'acharnement et de hargne ce «choix de société» et se vautrent-ils dans la désobéissance civile?