Je ne sais pas si vous avez vu un de ces messages publicitaires -ils passent souvent pendant la diffusion des Jeux olympiques- qui donnent des bons conseils au gouvernement Charest sur la façon de résoudre les problèmes des finances publiques.

Les messages de 30 secondes suggèrent diverses façons d'augmenter les revenus, comme taxer la malbouffe ou les bouteilles d'eau, pour conclure: «Ça veut dire que le gouvernement Charest a d'autres ressources à sa portée et pourrait cesser de répondre : on n'a pas d'argent.»

Qui finance cela ? À la fin des pubs, on peut lire: «Présenté par lexpertiseaunprix.com». Cela ne nous dit pas grand chose. Sur le site web, le texte d'accueil ne dit pas non plus qui organise cette campagne. Si on regarde bien, on découvre, en très petits caractères, que c'est «une initiative de la Fédération des médecins spécialistes du Québec».

Pourquoi ne précise-t-on pas, dans ces messages télévisés payés à fort prix, qu'ils sont commandités par les médecins spécialistes ? Poser la question, c'est y répondre. Parce que le vrai message est indigeste. Si on demandait aux gens s'ils sont prêts à payer plus cher leurs croustilles, pour consentir aux spécialistes les hausses de salaire importantes qu'ils réclament, soit 4% par année, on devine la réaction.

Cette campagne publicitaire est intellectuellement malhonnête, en masquant la véritable nature du projet. Sur le site web, on va même jusqu'à convier les citoyens à signer une pétition, sans leur dire que l'enjeu est la rémunération des spécialistes.

Cette campagne est démagogique. Les solutions évoquées par la FMSQ peuvent sembler attrayantes. Mais une taxe de 15% sur la malbouffe, qui rapporterait 350 millions, pose bien des problèmes: difficulté de définir la malbouffe, impact plus marqué sur les familles à faible revenu, risque que la mesure n'ait pas d'effets bénéfiques sur les habitudes alimentaires. L'idée d'une taxe de 20% sur les bouteilles d'eau, quant à elle, repose sur une incohérence. On justifie la mesure en décrivant les bouteilles d'eau comme «un bien de luxe non essentiel». Pourquoi ne pas alors taxer le homard, les vins haut de gamme, le parfum ou les Mercedes?

Elle est également simpliste. Il n'y a rien de plus facile que de trouver des façons d'augmenter les revenus de l'État, sans tenir compte des conséquences. Peut-on sérieusement proposer, comme le fait la FMSQ, d'exporter l'eau douce pour faire de l'argent, sans évoquer l'effroyable débat que cela provoquerait. Ou d'augmenter le prix de l'électricité des entreprises énergivores, sans penser à l'impact économique ?

Je suis assez bien placé pour critiquer les spécialistes, parce que je suis l'un des très rares commentateurs à les avoir défendus quand cela était impopulaire, d'avoir souligné l'importance de reconnaître le talent, et d'avoir écrit qu'il fallait réduire les écarts qui les séparaient de leurs confrères du continent.

Mais on doit aussi tenir compte du fait que la crise financière est plus marquée au Québec, et que cela impose des contraintes que les spécialistes devraient accepter. La FMSQ et son président Gaétan Barrette ont raté une belle occasion. Il y a certainement plein de pratiques de la profession médicale qui sont source de rigidités et de dysfonctionnements. Les spécialistes auraient pu proposer des choses pour améliorer le système et dégager la marge de manoeuvre dont ils rêvent. On aurait applaudi.

Dans une bataille pour l'appui de l'opinion publique, la FMSQ a choisi la voie de l'affrontement, cherchant sans doute à profiter de la relative impopularité du gouvernement Charest. Elle l'a fait d'une façon qui rappelle le syndicalisme de gros bras des années 60. Le résultat, c'est une campagne bête et grossière. Et si j'étais un médecin spécialiste, j'en serais gêné.