Quand on se compare, on ne fait pas que se consoler. On peut aussi se réjouir. Au Québec, l'accès à l'avortement ne va pas seulement mieux qu'ailleurs. Il va bien.

On ne prétend pas que tout est parfait, ni que les militantes doivent baisser la garde. Si on l'écrit, c'est pour souligner ce qui a été gagné de dure lutte et qui doit continuer d'être défendu.

Depuis le jugement historique de la Cour suprême en 1988 dans l'affaire Morgentaler, l'accès s'améliore chez nous. Sur le plan juridique, cette décision a été suivie par au moins quatre autres qui ont consacré le droit à l'avortement.

Ce droit n'est pas que théorique, il existe en pratique.

Aujourd'hui, le Québec compte plus de cliniques que n'importe quelle autre province. Le coût n'est pas un obstacle non plus. Depuis 2008, Québec rembourse aussi les avortements en clinique privée - auparavant, ils n'étaient gratuits qu'à l'hôpital et en CLSC.

Deux autres gains ont été obtenus récemment.

En 2015, le ministre de la Santé Gaétan Barrette a interdit les manifestations des groupes pro-vie à moins de 50 m des cliniques, afin d'éviter des cirques comme aux États-Unis, où des militants pro-vie harcèlent et humilient des femmes qui passent une journée déjà pénible.

Puis l'année dernière, le Québec a imité entre autres l'Alberta et le Nouveau-Brunswick en remboursant aussi la pilule abortive (le Mifegymiso). Les femmes ont désormais le choix entre l'avortement par instrument ou par médicament.

Cela fait dire à Anne Marie Messier, directrice générale du Centre de santé des femmes de Montréal, que l'accès à l'avortement n'est pas menacé au Québec. Mariane Labrecque, co-coordonnatrice de la Fédération québécoise pour le planning des naissances, est d'accord. Mais des préoccupations demeurent, ajoute-t-elle.

Certaines sont administratives. Par exemple, en région, les cliniques sont plus rares et moins souvent ouvertes - la même chose est toutefois vraie pour les autres soins. Autres enjeux : la relève chez les omnipraticiens et gynécologues, et le débat sur la formation requise pour qu'un médecin puisse prescrire la pilule abortive.

D'autres menaces sont politiques. Il y a les centres d'aide prétendument neutres, derrière lesquels le lobby pro-vie se cache pour manipuler des femmes vulnérables en prétendant qu'un avortement les rendra infertiles (c'est faux) ou dépressives (la maternité pourrait faire la même chose).

Lisez le reportage de Marissa Groguhé



Il y a aussi la contestation devant le tribunal de la limite de 50 m imposée aux manifestants. Et enfin, il y a la minorité de députés fédéraux conservateurs qui n'en finissent plus de vouloir rouvrir le débat sur le corps des femmes - précisons toutefois que leur chef Andrew Scheer a répété à plusieurs occasions qu'il respecterait le droit actuel à l'avortement.

Si la liberté des femmes indiffère ces militants pro-vie, ils devraient à tout le moins s'intéresser aux chiffres. Contrairement aux campagnes de peur, l'accès à l'avortement n'en a pas fait exploser le nombre. Depuis l'an 2000, le taux d'avortement est à la baisse chez les 15-34 ans, et légèrement à la hausse chez les 35-44 ans.

Consultez les taux d'avortement par tranches d'âge



Ce qui a changé, c'est la méthode. Les femmes ne s'avortent plus elles-mêmes avec un cintre, un cocktail maison toxique ou en déboulant les marches sur le ventre. Quelqu'un peut-il vraiment le regretter ?

Celles qui se sont battues pour disposer librement de leur corps peuvent se féliciter : plus le temps passe au Québec, plus les acquis de leurs luttes se concrétisent.

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