Stephen Harper n'a pas l'alignement souhaité des astres. Tout indique que le 1er septembre, le Canada entrera officiellement en récession technique. La croissance du PIB était négative lors des cinq premiers mois de 2015. À moins d'un revirement aussi inattendu que spectaculaire, on confirmera, lors du dévoilement des chiffres du sixième mois, que la croissance était négative pour la première moitié de l'année.

Cette morosité embête les conservateurs. En avril dernier, ils affirmaient avoir dégagé un surplus budgétaire de 1,4 milliard pour 2015-2016. Or, ce fragile surplus devait se réaliser en pigeant dans la réserve pour imprévus et en vendant des actifs de GM. Et selon la récente évaluation du Directeur parlementaire du budget (DPB), un organisme indépendant, ce surplus n'existe plus. Il faudrait plutôt prévoir cette année un déficit de 1,5 milliard.

Le ministre des Finances, Joe Oliver, réfute ces hypothèses. Mais il a malheureusement refusé de s'expliquer en commission parlementaire, comme le demandait l'opposition.

Espérons que les cadres financiers des partis s'appuient sur les prévisions du DPB, pour éviter les mauvaises surprises le lendemain des élections.

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M. Oliver cible trois grandes causes au marasme économique : le ralentissement en Chine, le plongeon du prix du pétrole et la crise de l'euro. On pourrait y ajouter la trop lente reprise américaine. Tous des facteurs qui échappent au contrôle d'Ottawa.

Le diagnostic de M. Oliver est incomplet. Il manque un examen des problèmes à court et à long terme pour l'économie canadienne.

À court terme, un déficit de 1,4 milliard n'a rien d'alarmant. La somme reste très faible par rapport à la taille de l'économie. Mais cela défait l'argument électoral des conservateurs, qui se félicitaient dans chaque phrase d'avoir atteint l'équilibre budgétaire. Et cela démontre l'imprudence de deux cadeaux, soit de fractionner le revenu pour les couples avec enfants et doubler le plafond de cotisation du CELI. Une facture additionnelle de 4,5 milliards qui rendra notre fiscalité plus inégale et complexe.

Le prochain gouvernement héritera aussi d'un autre problème immédiat : la capacité d'intervention de l'État qui s'est érodée sous les conservateurs, entre autres à cause de l'idéologique baisse de la TPS. Le ratio des revenus par rapport au PIB a atteint le plus faible niveau depuis les années 60.

À long terme, la récession technique devrait aussi être relativisée. Elle n'a rien à voir avec la crise de 2008-2009, car le recul de la croissance reste faible, le secteur des services reste en hausse et l'emploi progresse. Des menaces à long terme seront toutefois à surveiller, préviennent les observateurs : le secteur immobilier en surchauffe à Toronto et Vancouver, et la dépendance de l'économie envers l'industrie cyclique des énergies fossiles.

Quant à la dette, son niveau reste très gérable. Elle devrait revenir au faible niveau d'avant la crise. C'est le contraire des gouvernements provinciaux, souligne toutefois le DPB, qui seront de plus en plus étouffés par leur dette.

Avec un peu de chance, entre deux slogans, il sera possible de débattre de ces enjeux d'ici le 19 octobre.

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