Même si Facebook ne cesse de la démentir, une improbable rumeur voulant que l'entreprise utilise le microphone des téléphones de ses utilisateurs pour capter leurs conversations en vue de mieux cibler ses publicités refuse de disparaître.

Le responsable de la publicité au sein de l'entreprise californienne, Rob Goldman, est revenu sur le sujet sur Twitter il y a quelques jours en relevant avec agacement que « ce n'est simplement pas vrai ».

Facebook avait dû intervenir une première fois à ce sujet en 2014 peu de temps après avoir lancé une option permettant à son application d'identifier une chanson ou une émission de télévision jouant à proximité de l'appareil utilisé en activant brièvement le micro.

Rien ne permet sérieusement de penser que l'entreprise enregistre les conversations des utilisateurs à leur insu. La rumeur est surtout intéressante parce qu'elle reflète le degré de suspicion auquel la firme et d'autres géants de Silicon Valley sont aujourd'hui confrontés.

Malgré leurs efforts des dernières années pour assurer une transparence accrue en matière de collecte et de gestion de données personnelles, les questions demeurent et les utilisateurs demandent des comptes.

Google, qui a longtemps scanné le contenu des courriels des adeptes de son service Gmail pour mieux cibler ses publicités, a annoncé cet été qu'elle entendait renoncer à cette pratique controversée. Le dépôt de poursuites et le lancement d'une campagne en ligne critiquant cette façon de faire l'ont poussé à agir.

Le coeur du modèle économique de Facebook et de Google est de dresser un portait élaboré des utilisateurs qui leur permet de cibler précisément les publicités. Leur donner carte blanche en matière de gestion de données personnelles ne serait pas très avisé.

La révolution numérique amène une multitude d'autres situations où des données sensibles sont générées, souvent à l'insu des personnes concernées.

Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Daniel Therrien, s'est inquiété par exemple récemment du développement de voitures intelligentes capables de recueillir une foule de renseignements sur le comportement des conducteurs.

Il n'est pas étonnant dans le contexte actuel que 90 % des Canadiens se disent inquiets de leur capacité à protéger leur vie privée.

La crainte est amplifiée par l'inadéquation des mécanismes de contrôle en place, qui datent d'une autre époque.

« C'est comme si on essayait de réguler la circulation sur l'autoroute en utilisant des règles s'appliquant aux calèches », résume Pierre Trudel, spécialiste du droit des technologies de l'information rattaché à l'Université de Montréal.

Les autorités ne peuvent se contenter de miser sur la capacité des citoyens de consentir ou non aux pratiques des entreprises en matière de gestion de données personnelles. 

Les documents résumant pour approbation les critères d'utilisation sont souvent d'une longueur et d'une complexité absurdes et la tâche devient impossible à gérer individuellement à mesure que les applications se multiplient.

La création d'une instance régulatrice avec du véritable mordant, capable de fixer des balises claires, de demander des comptes aux entreprises et de sévir au besoin semble une avenue plus porteuse.

L'idée fait écho à une récente intervention de M. Therrien, qui réclame le pouvoir de rendre des ordonnances et d'imposer des sanctions administratives pour réguler l'industrie, comme le prévoit la législation européenne.

Le gouvernement ferait bien de prendre acte de cette demande, qui marquerait un pas dans la bonne direction, et de la nécessité d'agir énergiquement pour mieux protéger la population.

Les données à protéger sont personnelles, mais la réponse requise est collective.

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