L'Université de Toronto a accru hier la sécurité sur son campus après qu'un appel à l'agression envers les féministes a été publié dans un blogue, sous le pseudonyme de « Kill Feminist ». Le contenu du message fait un lien avec le mouvement Agression non dénoncée et vise les étudiantes du département d'études féministes de l'établissement.

La police de Toronto ne considère pas qu'il s'agisse d'une menace sérieuse. Il reste que 25 ans après le drame de Polytechnique, qui a enlevé la vie à 14 jeunes femmes, des étudiantes ont encore peur d'aller à leurs cours pour ne pas tomber sous les balles d'un tueur. Révoltant !

L'occasion semble propice pour les chefs de campagne de dénoncer haut et fort ce geste intolérable, et d'aborder la violence faite aux femmes en ce pays. Or hier silence radio. Même Justin Trudeau, le fils du chantre de la Charte canadienne des droits et libertés, est resté coi. 

Si des menaces de mort visant des juifs ou des Noirs avaient été publiées sur un site, on peut présumer que les chefs les auraient dénoncées. Mais pour les féministes, il n'y a pas d'urgence...

« C'est déplorable qu'on n'ait pas sauté sur l'occasion, même stratégiquement. Ça prouve que le sujet est encore explosif et que nos politiciens sont mal à l'aise avec ça », estime Pascale Navarro, auteure de Femmes et pouvoir : les changements nécessaires, un essai sur la parité dans les institutions politiques.

Mme Navarro ne blâme pas seulement les politiciens. Selon elle, le féminisme est à réinventer. Les féministes devraient être plus solidaires et « trouver une cause commune ».

« Chez les jeunes féministes, la hantise du retour en arrière n'existe pas », peut-on lire dans Second début, un essai de Francine Pelletier sur la renaissance du féminisme. Permettez-nous d'être moins optimiste.

Depuis un an, avec l'affaire Jian Ghomeshi, on a beaucoup parlé de la culture du viol et de la banalisation des comportements agressifs envers les femmes. Or, il y a toujours des (jeunes) hommes qui, en 2015, trouvent ça amusant d'intimider des femmes journalistes en ondes à la télévision. Leur viendrait-il à l'idée de lancer un commentaire sexuel dégradant à un reporter masculin en public ?

Poser la question, c'est y répondre. De nos jours dans la culture populaire, surtout en musique, le mot « bitch » (« pute ») est plus utilisé que « love ». Or, violente ou culturelle, il ne faut pas faire de compromis sur la misogynie. Peu importe notre sexe.

Comme l'écrit Pascale Navarro, « les hommes aussi doivent défendre des valeurs d'égalité, de pacifisme, de justice pour les femmes et pour eux. Parce que les valeurs n'ont pas de sexe ».

Le féminisme est l'une des rares révolutions pacifiques de l'histoire. Menée avec des mots et des idées, et non des armes et du sang. Si on ne dénonce pas systématiquement les dérives de la misogynie rampante autour de nous, cette révolution risque de frapper un mur.

Et c'est l'humanité entière qui va reculer.

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