Que Doug Ford ait reculé ou non, il y a du bon dans le psychodrame politique qui secoue la francophonie canadienne : le Québec se rappelle soudainement qu'elle existe... et qu'il en fait partie.

Habitués de se faire dire que les locuteurs de langue française sont en voie d'extinction ailleurs au pays, les Québécois en étaient venus à croire que ces minorités étaient vraiment des «dead ducks» ou pire, des «cadavres encore chauds», pour citer l'écrivain Yves Beauchemin.

D'ailleurs, encore le mois dernier, c'était au tour de Denise Bombardier de rédiger l'épitaphe des francophones hors Québec qui «ont à peu près disparu», façon de prouver que la langue française est incapable de survivre dans cette méchante fédération canadienne.

Mais voilà. L'annonce de la mort des communautés francophones et acadiennes était grandement exagérée - encore une fois - , ce qu'ont prouvé autant leurs réactions à la sortie de Mme Bombardier que leur mobilisation rapide face à l'attaque de Doug Ford.

Et à voir l'élan de solidarité des Québécois depuis quelques jours, ils sont loin d'être indifférents au combat de ces minorités avec lesquelles ils partagent une langue commune. Un indice évocateur : certains se laissent même séduire par la proposition mise de l'avant par Alexandre Soublière de renouer avec le vocable «Canadien français». Chose impensable il y a peu.

Dans son livre La Maison mère publié chez Boréal, l'auteur ose en effet défendre ce point de vue original, en faisant valoir que «le terme Canadiens français» évoque une appartenance plus forte au territoire et aux traditions de notre peuple, en plus de constituer «une manière de prendre notre place dans notre pays (au complet)».

Disons-le, Soublière va trop loin quand il écrit que nous aurions avantage «à faire un pas en arrière pour recommencer à nous voir en tant que Canadiens français et non en tant que Québécois». Il est en effet inutile de penser remplacer l'un par l'autre, ce qui effacerait l'histoire chargée qui se cache derrière le changement initial de vocable, mais aussi la signification du terme «Québécois», qui évoque une nation majoritaire sur son territoire.

Cela dit, quand on voit ce qui se passe en Ontario et les menaces qui se profilent au Nouveau-Brunswick, on se sent bien sûr interpellés comme Canadiens parlant français. On sent même que le Québec a un rôle à jouer, à nouveau, en tant que chef de file de l'ensemble francophone canadien.

«À nouveau», car ce fut le cas au tournant du XXe siècle, alors que le Québec oeuvrait à la protection et à la diffusion de la langue française un peu partout au pays grâce aux communautés religieuses et à la Société Saint-Jean-Baptiste.

Les temps ont bien évidemment changé depuis... mais pas les besoins de solidarité. Au moment où l'anti-bilinguisme profite du populisme ambiant, il est même urgent de faire preuve de complicité entre Canadiens partageant la deuxième langue officielle au pays.

Il faut le faire de manière réactive, afin de contrer les menaces politiques, mais aussi, l'anglicisation de la sphère commerciale, les impacts de la mondialisation et l'acculturation qu'impose le web, insidieusement. Et il faut le faire de manière proactive, également. En faisant rayonner la francophonie, au moment justement où l'immersion et les cours de français gagnent partout en popularité.

Oui, c'est vrai, la notion de deux peuples fondateurs n'a plus tellement la cote au Canada anglais. Vrai aussi qu'une frange non négligeable de l'élite canadienne-anglaise n'a que faire des droits de la minorité francophone.

Mais cela ne peut tout de même pas servir de prétexte pour garder les bras croisés, ici au Québec, pendant que les droits des francophones de la province voisine sont piétinés! Il faut d'ailleurs être spectaculairement déconnecté pour résumer cette crise en un autre argument pour la souveraineté, alors qu'il est question de l'avenir du français en dehors du Québec.

Dans le passé, les gouvernements Parizeau puis Charest ont tendu la main aux francophones en faisant valoir la responsabilité du «foyer principal» de la langue française au Canada, pour reprendre les mots de Benoît Pelletier. La crise en Ontario nous rappelle ce devoir de solidarité.

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