L'issue du référendum portant sur l'interdiction des lieux de culte à Outremont nous rappelle que la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres.

D'un côté, une communauté religieuse en expansion qui entend exercer sa liberté de culte, un droit légitime protégé par les chartes. Et de l'autre, un arrondissement, aussi dans son droit, qui veut préserver ce qu'il a de plus cher, son coeur commercial.

Car le but premier d'Outremont, rappelons-le, n'est pas d'interdire les lieux de culte, mais de préserver les artères qui irriguent le quartier. Et l'interdiction des lieux de culte est le moyen utilisé pour y arriver.

Est-ce une façon détournée de mener la chasse aux synagogues ? Est-ce qu'Outremont utilise le zonage pour faire par la porte de derrière ce qu'il n'ose faire par en avant ?

C'est un faux débat. Le problème, ce n'est pas la synagogue comme telle, mais l'ajout en rez-de-chaussée de l'avenue Bernard d'une fonction incompatible, celle d'un lieu de culte fermé sur lui-même, présentant à la rue une façade aveugle, sans interaction avec les passants qui déambulent sur le trottoir. Or ce lieu de culte s'avère être une synagogue hassidique.

Il est donc tout à fait légitime qu'au moment où le problème se présente, l'arrondissement pige dans son coffre à outils réglementaire l'interdiction qui lui permet d'assurer la cohérence de sa trame urbaine, sa qualité architecturale, sa contribution à l'ambiance de l'artère.

Il faut relire le chef d'oeuvre The Death and Life of Great American Cities de l'urbaniste Jane Jacobs pour saisir l'importance de préserver non seulement le cachet des artères commerciales, mais aussi leur ouverture sur la rue, la transparence de leurs façades, la diversité de leur offre, autant d'éléments qui permettent ce qu'elle appelle le « ballet de trottoir ».

Bref, le problème n'est pas ce que l'on fait derrière la façade aveugle, c'est la façade aveugle !

Outremont est donc dans son droit avec cette interdiction, comme il le serait si sa cible était les courtiers d'assurance, les bureaux de dentistes ou les garderies, qui n'ont pas plus leur place au rez-de-chaussée des artères commerciales.

Une fois cela dit, une fois les principes établis, on peut s'interroger sur la manière. Car voilà où l'arrondissement a possiblement erré en opposant bêtement la volonté de la majorité contre celle de la minorité.

La liberté de culte oblige en effet les élus à tendre la main, à se faire accommodants, à proposer d'autres lieux à distance de marche, et pas seulement sous la menace juridique.

Et si l'on tentait la voie du compromis, comme le propose Projet Montréal ? Et si l'interdiction des lieux de culte sur Bernard et Laurier ne concernait que les rez-de-chaussée, par exemple ? Et si l'on en permettait à l'étage ou à l'arrière des bâtiments ? Et si l'on ouvrait la porte des rues collectrices, comme Lajoie et Saint-Viateur ?

Et si, autrement dit, l'on se rassoyait pour concilier les libertés tout à fait légitimes des uns et des autres ?

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